Dans une France archipellisée et fracturée, la Gendarmerie se doit d’être présente au service de la population. D’où ses évolutions pour mieux répondre aux nouveaux défis sur le territoire, mais aussi dans le virtuel avec la lutte contre la cybercriminalité. La Gendarmerie est en mouvement pour protéger la nation.
Pour une Gendarmerie du XXIe siècle : « Répondre présent pour la population, par le gendarme »
For a Twenty-First Century Gendarmerie: the Gendarme Serves the Population
In the divided and fractured France of today, the Gendarmerie has a duty to be available to serve the population. Developments are therefore underway to allow better response to new challenges on the ground and also in the virtual domain—the fight against cyber crime. The Gendarmerie is working to protect the nation.
C’est là un constat sur lequel tout le monde ou presque s’accorde : nous sommes entrés, depuis maintenant quelques années, dans le temps des crises. Lequel est aussi, par définition, celui des incertitudes et des insécurités. La philosophe Myriam Revault d’Allonnes l’avait diagnostiqué dès 2012 : il semblerait que nous traversions désormais une « crise sans fin », où l’inédit résiderait d’ailleurs moins dans la succession effrénée des tensions et convulsions que dans leur enchevêtrement ou superposition, comme on voudra dire (1). De nature variée, chacune d’entre elles agit tel un révélateur et un amplificateur des autres : pandémie de Covid-19, bouleversements écologiques, menace terroriste, tensions sociales et crises d’ordre public, nouvelles radicalités violentes, etc. La « surface d’attaque » ne cesse de s’étendre, aussi bien dans l’espace physique que dans le cyberespace. Et parce que « le terrain commande », comme l’on dit en Gendarmerie, bien souvent la crise devient, par extension et nécessité, le régime quotidien du gouvernement des hommes et de l’administration des choses. Elle entraîne ainsi un autre rapport au temps de la décision et de l’action. Telle paraît être la signature de notre époque, qui est en cela fort éloignée de cette « fin de l’Histoire » pacifiée dont on espérait l’avènement à l’aube des années 2000.
Une « France qui dégoupille » ?
Vingt ans après, le paysage est tout autre. Et c’est dans ce contexte déjà fort complexe que la pandémie inédite de coronavirus est venue exacerber les fragilités sociales, économiques et psychologiques. Notamment dans les territoires ruraux et périurbains, qui correspondent aux zones de compétence de la Gendarmerie et où se jouent aussi – on l’oublie parfois – des évolutions importantes susceptibles d’affecter la cohésion nationale. Malgré la sortie des confinements et couvre-feux, cette France en difficulté, dite abusivement « périphérique » – celle des ronds-points et des Gilets jaunes, des campagnes et des zones pavillonnaires – semble en effet poursuivre son basculement dans un univers d’inquiétude et de morosité, craignant encore davantage pour sa sécurité à court et à plus long termes. De surcroît, la crise sanitaire a provoqué un nouvel exode urbain vers les périphéries des agglomérations, et les villes petites et moyennes. Dès avant 2020, l’Insee soulignait déjà que la croissance démographique était deux fois plus forte dans les zones Gendarmerie (2 millions d’habitants en plus entre 2010 et 2020) que partout ailleurs. Cette tendance s’accroît aujourd’hui en raison des nouvelles habitudes de vie et de travail consécutives à la pandémie. On estime que, d’ici à 2027, la zone Gendarmerie aura encore accueilli 1 million d’habitants supplémentaires. Ces évolutions n’iront pas sans provoquer des frictions nouvelles dans les territoires concernés.
Depuis le début de l’année 2021, nous constatons une nette augmentation des tensions en zone urbaine et périurbaine comme dans les territoires les plus reculés. Les atteintes physiques sont en hausse, notamment les violences intrafamiliales, les violences urbaines, de même que les atteintes aux élus locaux et aux forces de l’ordre. En moyenne, cinq gendarmes sont blessés chaque jour en intervention. Pis, depuis plusieurs mois, nous constatons aux quatre coins du pays la multiplication de passages à l’acte de forcenés, plus ou moins violents, à l’issue plus ou moins heureuse : cinq par semaine environ, soit deux fois plus qu’en 2019 et 2020. Et si l’on y ajoute les retranchés et les refus violents d’obtempérer, nous passons à une moyenne de trois à quatre épisodes quotidiens sur l’ensemble de la zone Gendarmerie. Aujourd’hui, nous craignons que ces phénomènes ne continuent à se multiplier, avec le risque de réplications mimétiques et de dérives à l’américaine (périples meurtriers, suicides by cops).
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