Le monde se complexifie, sa sécurité se dégrade avec de nouveaux compétiteurs remettant en cause les principes de régulation de la scène internationale. Cela oblige à élargir notre concept de défense et de sécurité nationale, notamment face aux menaces hybrides dans le cyberespace et le numérique.
Le concept de défense et de sécurité nationale : un outil pertinent face à la complexification du monde ?
The Concept of Defence and National Security: a Pertinent Instrument to Face the Increasing Complexity of the World?
The world is becoming more complex and its security is deteriorating as new competitors call into question the regulatory principles of the international scene. We must therefore broaden our concept of defence and national security, particularly in the face of hybrid cyber and digital threats.
« Ce n’est que par la libre fédération des nations autonomes, répudiant les entreprises de force et se soumettant à des règles de droit, que peut être réalisée l’unité humaine. » Cette citation tirée de L’Armée nouvelle, ouvrage entamé par Jean Jaurès en 1908 et publié en 1910, nous rappelle ce que pouvaient être alors les idéaux de responsables politiques européens éclairés. Ces idéaux, cent dix ans plus tard, semblent à la fois parfaitement valides et moins accessibles qu’on ne l’espérait il y a encore peu. L’implosion – imprévue – du bloc soviétique en 1989 a eu un effet indéniable : elle a refermé la période des grandes crises européennes autour desquelles deux guerres mondiales ont ravagé les peuples, et les âmes, et qui s’est poursuivie par d’autres moyens avec la guerre froide. Dès 1989, puis en 1992, Francis Fukuyama, universitaire brillant et l’un des intellectuels qui ont soutenu le président Reagan dans son entreprise de mise sous tension de l’Union soviétique, adapte le concept hégélien de fin de l’histoire et affirme l’avènement de la démocratie libérale. Force est de constater qu’après une courte période de stabilité, nous sommes bien loin de cet irénisme affirmé. S’il fallait retenir un fait, une date de basculement, il s’agirait sans doute du 11 septembre 2001, il y a précisément vingt ans. La destruction des tours jumelles de New York par des terroristes a ébranlé l’Amérique, le monde et nos certitudes. Sur le plan géopolitique et sur le plan militaire, l’attentat a remis en cause beaucoup de doctrines.
Du point de vue du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, plusieurs points méritent ainsi d’être relevés. Le premier est que le terrorisme ne peut être systématiquement réduit à une forme d’accident alors que l’histoire serait écrite à l’occasion de grandes batailles. Deuxièmement, le terrorisme est devenu un mode d’action relativement courant et qui affecte de très nombreuses zones du monde qu’on imaginait jusque-là préservées par leur culture, voire par les conceptions religieuses et morales locales. Troisièmement, le terrorisme est bien un mode d’action du fort au faible sur les théâtres de confrontation – on pense à l’Afghanistan ou au Sahel, mais il est aussi un moyen de rétorsion qui s’« exporte » au loin. Les procès en cours de l’auteur et des complices des attentats du 13 novembre 2015 nous le rappellent avec acuité. Ce point est sans doute le plus marquant : la vieille distinction entre menace militaire au loin ou aux frontières, d’une part et défense civile à l’intérieur, d’autre part n’est plus opératoire. Un effort à la fois conceptuel et d’organisation pour s’adapter à ce changement de paradigme est donc nécessaire.
Conceptuellement, on évoquera donc la sécurité nationale comme appellation moderne de la vieille défense globale gaullienne, déclinée et organisée par chaque « département » ministériel et on constatera qu’aux différentes formations spécialisées réunies autour du président de la République et du Premier ministre s’est substitué un Conseil de défense et de sécurité nationale qui est aujourd’hui à la fois le lieu des grandes décisions de planification militaire, plus largement des grandes décisions dans le domaine de la défense des intérêts fondamentaux de la Nation, mais encore plus largement celui de la conduite stratégique de la réponse aux crises graves. Il appartient aux historiens, politistes et juristes d’analyser et théoriser les faits collectifs. De façon souvent moins sophistiquée, ceux qui mènent le pays ont le devoir et le souci de répondre par des moyens adaptés aux défis de l’époque. C’est une partie de ces défis qu’il est possible de présenter, du point de vue du secrétaire des Conseils de défense et de sécurité nationale.
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