L’alliance AUKUS dévoilée cet été confirme la bascule des intérêts géostratégiques de Washington vers l’Asie avec la confirmation de la compétition avec la Chine. Cela oblige à redéfinir la relation transatlantique et incite les Européens à réfléchir collectivement à leur souveraineté et à leur autonomie.
Comment la compétition États-Unis/Chine redéfinit la relation transatlantique
How Competition Between the United States and China is Redefining the Transatlantic Relationship
The AUKUS alliance unveiled this summer confirms the change in Washington’s geostrategic interests towards Asia and competition with China. That means a necessary redefinition of the Transatlantic relationship, which in turn means Europeans must consider collectively their sovereignty and their independence.
« L’Amérique est de retour » avec un agenda clair : empêcher la Chine de consolider ses ambitions hégémoniques dans la région indopacifique, devenue le principal terrain de bataille géopolitique, et ses velléités de puissance normative dans les secteurs stratégiques, en premier lieu la technologie. Car du point de vue de Washington, la puissance qui détiendra la suprématie technologique sera la plus grande puissance (y compris militaire) du XXIe siècle. Le premier déplacement du président Biden en Europe, en juin 2021, était marqué par la rivalité avec la Chine et le projet de créer les bases pour une « alliance technologique » avec l’Europe, la toile de fond de tous ses échanges avec ses partenaires européens. Parmi les inflexions notables, la Chine a fait l’objet d’un langage plus substantiel et surtout plus musclé dans les déclarations finales des Sommets du G7, Otan et UE/États-Unis, un succès diplomatique pour le Président américain qui avait fixé comme objectif de « rallier les démocraties » face à la Chine. L’objectif de Biden est de réinvestir les alliances traditionnelles, et d’en créer de nouvelles avec l’Europe et les alliés asiatiques sur les technologies, la sécurité des données et des infrastructures, afin de rendre les États-Unis et leurs partenaires moins dépendants de la Chine. La crise de la Covid-19 a été à cet égard, un accélérateur.
La création de l’alliance AUKUS entre les États-Unis, l’Australie et la Grande-Bretagne est révélatrice de trois tendances de fond qui façonnent la politique étrangère américaine et redéfinit la relation transatlantique : premièrement, AUKUS confirme que la Chine est la priorité géopolitique des États-Unis : « Nous devons être en mesure de faire face à la fois à l’environnement stratégique actuel de la région et à son évolution possible, car l’avenir de chacune de nos nations, et même du monde, dépend d’un Indopacifique libre et ouvert, durable et florissant dans les décennies à venir (1) », déclara Biden au moment de l’annonce de l’alliance AUKUS au côté de ses homologues britannique et australien. Le président Biden accélère le « pivot vers l’Asie » entamé par ses deux prédécesseurs et veut montrer qu’il va encore plus loin. Ce recentrage sur l’Indopacifique et la compétition avec la Chine est intégré à tous les niveaux de la politique étrangère américaine, et c’est par ce biais que sont déterminés les priorités de l’administration à l’international et son rapport à l’Alliance atlantique. En parallèle, la polarisation politique à Washington pousse le président Biden à chercher des résultats rapides et concrets, parfois même au risque de limiter les consultations et les discussions avec les alliés les plus proches des États-Unis. Si elles n’impliquent pas un retrait des États-Unis d’Europe, ces différentes dynamiques ont bien des conséquences directes pour la relation transatlantique.
Deuxièmement, AUKUS confirme que les Européens sont progressivement relégués à une position secondaire dans la pensée stratégique américaine, et intégrés après-coup aux décisions les plus importantes. Le niveau d’investissement politique reste limité, malgré les annonces du début de mandat en faveur d’une coopération accrue entre États-Unis et Union européenne (UE). L’administration Biden attend également un certain niveau d’alignement de la part de ses alliés, et n’hésite pas à les mettre devant le fait accompli lorsque les intérêts américains et les priorités de politique intérieure sont en jeu. Dans ce cadre, c’est donc plus que jamais aux Européens de définir l’agenda transatlantique : l’administration américaine voit d’un bon œil le renforcement de la coordination politique avec les partenaires européens, mais elle attend que l’Europe présente des propositions concrètes.
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