Le projet de Boussole stratégique marque une avancée dans la prise de conscience par les Européens de l’incertitude stratégique qui menace la sécurité des États-membres de l’UE. Cette étape est de bon augure à condition que la volonté politique des 27 se maintienne dans la durée et se concrétise sur le terrain.
La Boussole stratégique et l’exercice de la diplomatie européenne
The Strategic Compass and Exercising European Diplomacy
The Strategic Compass project is a step forward in European recognition of the strategic uncertainty that threatens the security of EU member states. This step augurs well, as long as the 27 can maintain their political will in the long term and can transform it into action on the ground.
La diplomatie européenne fait son chemin dans la conscience des citoyens européens, mais aussi dans celle de nos alliés ou de nos adversaires. Elle reste cependant encore abstraite, souvent contrée par la volonté des puissances mondiales d’évincer l’Union européenne (UE) des dialogues sur la stratégie et la sécurité internationales : celles-ci préfèrent parler entre elles, grandes puissances, et s’adresser séparément aux États-membres (EM) de l’UE.
La crise avec la Russie illustre assez bien ce jeu. Sur la sécurité européenne, Moscou cherche à imposer un échange direct avec Washington sans vouloir dialoguer avec les pays qui sont concernés. Elle manifeste ainsi la volonté de renouer avec le statut de grande puissance passablement écorné depuis les années 1990. L’Europe pour Moscou n’existe pas en termes de sécurité et de défense européenne. Cependant, cette crise majeure aux portes de l’Europe a déjà eu deux effets positifs : elle a poussé l’Europe à agir et à agir rapidement. La concertation avec les alliés américains s’est imposée immédiatement. Dès lors, Washington s’exprimait à Moscou au nom de deux alliés, l’Europe et les États-Unis. Les actions respectives de Berlin et de Paris, entreprises après consultation des EM (les trois pays baltes, en particulier) manifestent aussi un avancement communautaire davantage concerté. L’Otan apparaît comme un autre gagnant de cette crise. Le Président russe deviendrait-il le plus grand « lobbyiste » de l’Otan ? Cette relation entre l’Otan et l’UE dans le contexte de la crise actuelle peut tracer un itinéraire nouveau de la relation entre les deux organisations.
En même temps, au niveau interne de l’Europe, un travail intense de concertation se poursuit pour l’élaboration de la Boussole stratégique de défense et de sécurité en Europe. C’est un document qui doit permettre de définir de grandes orientations en matière de défense européenne jusqu’en 2030. L’objectif est d’améliorer la cohérence des initiatives actuelles en matière de défense européenne et de renforcer la résilience de l’UE comme ses capacités de réaction dans un environnement qui est de plus en plus contesté, avec de nombreuses crises aux portes de l’Europe : Ukraine, Biélorussie, Balkans, Méditerranée, Levant proche. Malgré son caractère « interne », cette démarche des EM ne sera pas sans effet sur la notion même de diplomatie européenne, qui va prendre une nouvelle dimension (1).
Il reste 80 % de l'article à lire
Plan de l'article