Le conflit signifie un antagonisme entre deux parties, chacune se considérant comme légitime et justifiant son bon droit à agir. Cela oblige à réfléchir sur la notion de l’ennemi et son lien avec une approche morale, l’ennemi étant le « méchant ». D’où la dialectique du bien et du mal dans la guerre.
Du méchant à l’ennemi, la dialectique du conflit
From Malevolent to Enemy—the Dialectic of Conflict
Conflict refers to the antagonism between two parties, each considering itself legitimate and justifying its right to act. It is worth reflecting on the notion of the enemy from a moral standpoint, since the enemy is the malevolent. From this we have the opposing forces of benevolence and malevolence in warfare.
Dans son Histoire de la guerre du Péloponnèse, Thucydide estime que la cause « véritable mais non avouée » (1) de celle-ci réside dans le sentiment de peur de Sparte face à la montée en puissance d’Athènes, sentiment lui-même alimenté par les Corinthiens : « Ayez la conviction que la cité qui s’est faite le tyran de la Grèce nous menace tous également, puisqu’elle a déjà soumis certains peuples et projette de soumettre les autres ; marchons contre elle et réduisons-la, vivons désormais à l’abri du danger et délivrons les Grecs actuellement asservis (2). »
Cette observation de l’historien grec est à l’origine de la thèse développée par Graham T. Allison (3) sur les rapports en deux puissances, l’une établie et l’autre émergente. Pour l’un comme pour l’autre, la guerre est déclenchée à partir d’un sentiment de menace intrinsèquement lié à un rapport de force en cours de rééquilibrage, qui finit par faire tomber les protagonistes dans la dialectique du conflit. Pour les deux, l’ennemi naît au monde par le sentiment de la menace. Selon l’historien grec rapportant les propos des Corinthiens, Athènes a « déjà soumis certains peuples et projette de soumettre les autres ». Si elle paraît menaçante, c’est au moyen de son intention de domination. Pour les Corinthiens, Athènes provoquerait le sentiment de menace qui justifie qu’on lui tienne tête : si elle paraît menaçante, c’est parce qu’elle serait tyrannique. Et cela justifie de « marcher contre elle » pour la « réduire » et « délivrer les Grecs actuellement asservis ». De sorte que la dialectique du conflit trouverait sa source dans des repères moraux qui précèdent la notion d’ennemi : Athènes serait méchante avant que d’être ennemie.
Le piège de Thucydide, la partie émergée de l’iceberg
Si c’est certes parce qu’il y a rapport de force qu’il y a dialectique du conflit, ce n’est pas le rapport de force qui fait le piège, mais l’incapacité à s’inscrire en dehors de celui-ci : le piège ne réside ni dans la situation ni chez l’autre, mais en soi-même.
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