The Future of the Digital Order / « US-China Competition–Semiconductors and the Future of Tech Supremacy »
The Future of the Digital Order / « US-China Competition–Semiconductors and the Future of Tech Supremacy »
Le contrôle de l’information, les technologies de surveillance et les normes de gouvernance de la technologie : voici les trois points fondamentaux sur lesquels repose l’écosystème numérique des autocraties qui menacent de bouleverser l’équilibre mondial, selon le rapport The Future of the Digital Order. Inscrit dans un projet de lutte contre l’illibéralisme high-tech qui fait basculer les nouvelles technologies d’un « remède démocratique universel » à un « moyen de subversion autoritaire », ce rapport du think-tank progressiste Center for a New American Security (CNAS) témoigne des nouvelles menaces apportées par le numérique.
Publié quelques mois plus tôt sur le site China-US Focus par Leonardo Dinic, Advisor au CroAsia Institute, l’article « US-China Competition – Semiconductors and the Future of Tech Supremacy » confirmait l’importance des enjeux technologiques dans la compétition sino-américaine sur un domaine industriel bien précis : les semi-conducteurs, éléments indispensables aux appareils électroniques et, en corollaire, aux trois piliers de l’écosystème numérique illibéral proposés par le CNAS.
En étudiant la Chine, la Russie et le Moyen-Orient au travers du prisme que forment ces trois piliers, le centre établit des conclusions, des tendances, ainsi que des recommandations pour lutter contre le renversement de « l’équilibre numérique mondial ».
Alors que la Chine dirigerait l’évolution de cet équilibre en contrôlant sa population et en exportant son modèle d’utilisation de technologies novatrices par le Parti communiste chinois, la Russie serait consciente de son retard technologique, mais promouvrait un modèle moins perfectionné, plus facilement exportable aux autres régimes autoritaires. De son côté, le Moyen-Orient contrôlerait sa population par l’espionnage et le sabotage, bénéficiant aux concurrents des Américains, c’est-à-dire la Chine et la Russie.
Ces analyses permettent alors d’esquisser des tendances. Une synergie digitale sino-russe se profilerait avec, par implication, une disparition des normes libérales internationales et l’éventualité d’un « splinternet », un Internet divisé par des frontières numériques. Les différents régimes non démocratiques chercheraient alors à réguler les communications en ligne et à acquérir les technologies chinoises, entraînant l’apparition de limites pour la stratégie américaine d’atténuation et un renforcement de l’émulation innovatrice entre la Russie et la Chine.
Les États-Unis devraient donc, selon le CNAS, combler l’absence d’un grand leader démocratique du numérique, en proposant une réponse politique élargissant la coalition existante aux pays émergents, non nécessairement démocratiques. Par la réorganisation et la régulation du numérique sur leur territoire, la promotion du modèle libéral et le combat de l’utilisation autoritaire des technologies, l’offre d’un modèle attractif pour les États non démocratiques ainsi qu’au travers de l’utilisation de leur appareil puissant, les États-Unis doivent réagir à la menace.
Paradoxalement, selon Leonardo Dinic, les récentes décisions américaines ont déjà lancé le renversement de l’ordre numérique mondial. En effet, les mesures économiques restrictives vis-à-vis de la Chine, portées par Trump, ont forcé cette dernière à s’adapter en abandonnant ses investissements aux États-Unis au profit d’un renforcement sur la recherche et la production de composants sur son territoire, dans l’objectif d’une autonomie complète sur les chaînes de valeur comportant ces technologies de précision : un « découplage » se profile, et directement par la couche physique du monde numérique.
Même si les Américains dominent le marché des semi-conducteurs avec 50 % de la production, leur industrie numérique dépend des approvisionnements taïwanais et coréens. La Chine a, quant à elle, quelques années de retard sur les capacités de production américaines et en particulier sur les logiciels de fabrication de semi-conducteurs, mais est sur la bonne voie pour les réduire avec, notamment, l’introduction de règles sur la protection des données ajoutant la dimension sémantique d’Internet dans l’équation.
Ainsi, l’article publié sur China-US Focus montre que les firmes américaines seraient plus exposées à ce « découplage » que leurs concurrentes chinoises. Si les mesures américaines limitent l’exposition de son économie à la Chine, celles-ci sanctionnent in fine moins les entreprises chinoises qu’états-uniennes.
Le renversement de l’ordre numérique mondial annoncé par le CNAS semble donc avoir été précipité par la manière dont s’est affirmée la volonté américaine de s’affranchir des composantes chinoises des chaînes de valeurs de son industrie numérique. Il s’agirait alors pour l’Administration Biden d’élargir la pression économique qu’elle porte sur la Chine en fédérant des États, démocratiques comme autocratiques, derrière son leadership, afin de renforcer la coalition contre « l’illibéralisme technologique » qui gagne du terrain. ♦