Editorial
Éditorial
Jeudi 24 février 2022 au petit matin, la sidération, la stupeur et l’angoisse lorsque les premières informations révèlent que les troupes russes ont commencé à envahir l’Ukraine, après une montée en tension depuis des semaines et ce, malgré les tentatives quasi désespérées de médiations internationales. Très vite, les images de longs convois de voitures fuyant Kiev face à l’avancée des blindés de Moscou envahissent les écrans des chaînes d’information. Les éditions spéciales débutent pour de longues journées. La guerre – ou plutôt l’« opération spéciale militaire » de Vladimir Poutine – est de retour sur le continent européen. Certes, il y avait eu la guerre en ex-Yougoslavie à partir de 1991, mais celle-ci avait pu être cantonnée aux Balkans au prix d’une longue intervention de l’ONU puis de l’Otan et de l’UE. Cette fois-ci, il s’agit de l’invasion d’un État souverain par la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité et… puissance nucléaire.
Il y a un an, rares étaient ceux qui pensaient que Kiev allait pouvoir tenir dans la durée face au rouleau compresseur russe qui avait bénéficié d’une vingtaine d’années d’investissements majeurs voulus par Poutine depuis son accession au pouvoir. Et pourtant, l’héroïsme ukrainien avec une résilience exemplaire de la population et avec l’appui croissant des pays occidentaux, a mis en échec les plans concoctés au Kremlin. La guerre est désormais là, inscrite dans la durée avec son cortège de destructions et de pertes humaines, en particulier pour la population civile, cible des frappes russes.
Un an de conflit qui a profondément modifié l’échiquier international. Il y eut le 11 septembre 2001, ouvrant une période géopolitique de vingt ans et qui s’est achevé par le retrait douloureux des États-Unis de Kaboul à l’été 2021. Le 24 février 2022 ouvre une période dont personne ne peut aujourd’hui entrevoir une éventuelle sortie de crise. Rien ne sera comme avant et les architectures de sécurité d’hier seront à revoir complètement avec au moins une certitude : un nouveau « rideau de fer » va durablement séparer la Russie de l’Europe et dont la responsabilité incombe à Moscou : ses objectifs politiques n’ont pas changé depuis un an, même si aucun d’eux n’a été réellement atteint grâce à l’efficacité de la défense ukrainienne.
Dès lors, même si le temps de l’écriture de l’histoire de cette guerre n’est pas encore arrivé, il importe désormais d’en tirer de nombreuses leçons sur les plans militaires, économiques, diplomatiques et politiques. Des équilibres vont apparaître avec une nouvelle course aux armements face aux puissances impériales privilégiant le rapport de force pour imposer leurs ambitions. De la « mondialisation heureuse » balayée notamment par la crise sanitaire de la Covid-19, nous sommes désormais dans la multipolarité agressive.
D’où le besoin d’une remontée en puissance annoncée par la France avec la Revue nationale stratégique présentée en novembre dernier et l’annonce de la Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 avec un montant annoncé de 413 milliards d’euros. Un effort sans précédent depuis la fin des années 1960 ! Après une LPM de réparation, une LPM de transformation pour renforcer notre sécurité et celle de nos partenaires stratégiques tout en réaffirmant le besoin d’une Europe plus forte. ♦