La question d’un ordre mondial stable est récurrente depuis des décennies. La création de l’ONU à l’issue de la Seconde Guerre mondiale obéissait à ce besoin que la diplomatie l’emporte sur l’usage de la force brute. Or, la guerre froide avait remis en cause cette volonté de pacification. Le besoin demeure encore aujourd’hui.
Politique et diplomatie – Vers un ordre mondial ? (novembre 1966)
Politics and Diplomacy—Towards a World Order? (November 1966)
The question of a stable world order has been raised again and again for decades. The creation of the UN after the Second World War resulted from the need for diplomacy to triumph over the use of brute force. For all that, the Cold War called into question this desire for peace. There is still a need for this stability.
Les caractères de la société internationale contemporaine posent quelques problèmes fondamentaux. L’un de ces problèmes peut être formulé de la manière suivante : la société internationale contemporaine est-elle entrée dans un processus d’organisation tendant à substituer à l’autonomie souveraine des États des règles de droit s’imposant à chacun d’eux ? Un deuxième problème peut être formulé ainsi : si tel est bien le cas, quelles sont les causes de cette évolution et quels sont les moyens juridiques et politiques par lesquels on peut la favoriser ? Quant au premier point, on admet généralement que l’organisation du monde est désirable. Il est en effet souhaitable que soient organisées des méthodes permettant de résoudre, par des moyens pacifiques, les conflits, inévitables entre États comme entre particuliers, de rétablir au plus tôt la paix lorsque les hostilités ont éclaté, et d’assurer la coopération internationale qu’exige, sous des formes diverses, la situation d’aujourd’hui. La vraie question est de savoir si la réussite de cette entreprise est possible, si elle est à la portée des politiques, si elle n’est pas seulement un rêve de philosophes et de moralistes. On peut arguer en effet que seul un gouvernement mondial impliquerait une situation dans laquelle les conflits interétatiques ne pourraient pas se produire pour la simple raison que les États n’existeraient plus ou du moins qu’ils ne disposeraient plus des moyens traditionnels de la souveraineté en matière militaire.
On doit cependant noter que l’institution de cet État mondial – qui pourrait résulter soit du contrôle hégémonique d’une grande puissance sur l’ensemble des continents, soit d’une décision des États renonçant à leur privilège dans une sorte de « 4 août » international – ne signifierait pas nécessairement l’élimination de la violence entre groupes sociaux différents. Mais la guerre changerait de nom ; il s’agirait de conflits internes qui pourraient être réprimés par l’intervention de « forces de police » au service de l’État mondial.
Relevons aussi, en passant, que l’intervention de ces forces de police soulèverait, dans le cadre d’un État mondial, des difficultés analogues à celles qu’a soulevées dans notre société, l’intervention des forces d’urgence des Nations unies. Dans un monde unifié, l’ordre risque en effet d’être mis en question, ici ou là, par la force : dans les conditions de débat, voire de conflit idéologique où nous continuerons de vivre, des affaires dites « internes » peuvent comporter le même déchaînement de violence que les conflits « externes ».
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