Longtemps, l’objectif militaire était de gagner la bataille décisive pour obliger l’adversaire à renoncer. Aujourd’hui, la dialectique a évolué avec le croisement et l’interpénétration des concepts d’usure et de décision comme le montre la guerre en Ukraine. Comment user l’adversaire pour obtenir la décision ? Comment accepter que la guerre s’inscrive désormais dans le temps long ?
Préambule - Usure et décision : réflexions sur une dialectique dont on (re)parle
Preamble—Attrition and Decision: Thoughts on a Renewed Debate
For long the military objective was to win the decisive battle and compel the adversary to surrender. Today, the dialectic has evolved with the criss-crossing and interpenetration of the concepts of attrition and decision, demonstrated by the war in Ukraine. How do we wear down the adversary and push him into making a decision? How do we accept that war is now waged over the long-term?
Après bientôt deux années de guerre en Ukraine, l’analyse de l’affrontement entre deux adversaires déterminés mobilise nombre de clés de lecture conceptuelles (1) pour cerner les dynamiques à l’œuvre dans ce choc des volontés. Parmi celles-ci, la dialectique classique de l’usure et de la décision refait surface sous la plume des responsables du ministère des Armées (2). Ceux-ci soulignent, à juste titre, que le duo formé par l’usure – qui procède par érosion progressive du potentiel adverse – et par la décision – qui consiste à faire basculer franchement une situation en distinguant un vainqueur et un vaincu – rendrait mieux compte des lignes de force de la guerre en Ukraine que la balance entre masse et technologie qui a été jusqu’ici largement utilisée par les observateurs pour caractériser l’équilibre recherché par des belligérants cherchant à s’imposer.
Un élément interpelle néanmoins dans la manière de convoquer ce tandem conceptuel : l’accolement systématique de ces deux notions au terme « armes ». Partant, la dialectique serait réduite aux outils : les « armes de décision » d’un côté, et les « armes d’usure » de l’autre. Or, si la distinction entre usure et décision paraît pertinente pour caractériser la conflictualité qui se joue depuis 2022 aux portes de l’Europe, l’application de cette grille de lecture semble mal adaptée aux réalités capacitaires, voire être source de confusion.
Aussi proposons-nous ici d’apporter un court éclairage sur une dialectique qui s’annonce comme une nouvelle référence, en la remettant dans son contexte. Après avoir rappelé qu’usure et décision sont d’abord des manières de faire la guerre, nous montrerons les limites de la distinction entre « armes d’usure » et « armes de décision », avant d’ouvrir sur quelques enjeux portés par cette dialectique au XXIe siècle.
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