Introduction
Introduction
Les graves crises en cours en Ukraine et à Gaza illustrent une nouvelle cinétique internationale marquée par un recul de la domination occidentale et l’émergence simultanée de ce qui est appelé un « Sud global » sur la scène mondiale.
Vu par certains comme une simple réincarnation du mouvement non-aligné, le concept même de « Sud global » est quelquefois contesté par le fait qu’il n’y aurait pas, en réalité, de véritable unité entre les pays concernés. Mais, faire bouclier d’intérêts divergents ne suffisant jamais dans la durée, ce qui rassemble les pays du « Sud global » c’est précisément de suspendre leurs différences quand il s’agit d’exprimer un ressentiment anti-occidental. Ce dernier reflète, pour certains, un réflexe anticolonial, pour d’autres une mise en cause des régulations occidentales – économique par le libéralisme et politique par la démocratie représentative – et, pour tous, la mise en cause d’une politique de l’ouest du « deux poids, deux mesures », patente à leurs yeux dans la différence de traitement par l’Ouest des guerres en Ukraine et à Gaza.
S’y ajoutent un désir d’être mieux représenté, et écouté, dans le système international, ainsi qu’un certain « ras-le-bol » des pressions de l’Ouest en matière de droits de l’Homme, alors que le modèle occidental n’est aujourd’hui plus unanimement considéré comme un modèle universel et porteur d’avenir.
La Chine et la Russie jouent naturellement sur ce sentiment, en se présentant comme un contre-modèle. Le motto de Winston Churchill « Prendre l’événement par la main avant qu’il ne vous saisisse à la gorge » inspire aussi le camp des régimes autoritaires…
L’élargissement en cours des BRICS est clairement une manifestation d’une politique de « multi-alignement » de la part de pays qui contestent l’ordre international issu de la Seconde Guerre mondiale – jugé, à juste titre, comme dépassé – et qui entendent défendre leurs intérêts nationaux bien compris, sans avoir à s’aligner sur le groupe occidental ou sur l’axe Pékin-Moscou. L’émancipation de l’Arabie saoudite à l’égard de son protecteur traditionnel américain est un exemple particulièrement significatif de ce mouvement.
Et pourtant, les tentations de désengagement des États-Unis en Europe et au Moyen-Orient – au profit de la visée stratégique du « containment » de la Chine – ne sont plus aujourd’hui totalement pertinentes dans la gestion des crises ukrainienne et gazaouie.
Enfin, la méfiance entre certains grands pays membres des BRICS – Chine-Inde ou Arabie saoudite-Iran – est une réalité, et les pays du Sud (africains par exemple) ne paraissent pas particulièrement tentés de s’embrigader totalement dans la mobilisation d’un « Sud global ».
La question est donc complexe et comporte de multiples facettes : elle exige une analyse fine pour mieux saisir les contours du nouvel ordre international qui se dessine. Pour éclairer les réflexions des lecteurs, nous avons fait appel à un certain nombre de personnalités qualifiées, qui ont aimablement accepté de nous livrer leur perception des différentes dimensions du mouvement tectonique en cours.
Nous espérons que ces contributions vous permettront d’affiner votre propre vision de ce phénomène qu’est l’apparition d’un « Sud global » sur la scène internationale. Peu importe que son caractère orthogonal existât ex ante dans une essence unique, il faut l’appréhender tel qu’il se manifeste, dans son existence concrète. « Entre le passé, où sont nos souvenirs, et le futur, où sont nos espérances, il y a le présent, où sont nos devoirs » disait Antoine de Saint-Exupéry. ♦