De 1973 à 1978, sous l’impulsion des Présidents français, la diplomatie et l’engagement militaire vont s’accroître dans une région devenue majeure sur fond de guerre froide. Paris s’efforce de favoriser des médiations et un meilleur équilibre pour renforcer une sécurité internationale fragilisée par le conflit israélo-arabe et ses conséquences sur le marché des hydrocarbures.
Sécuriser les routes du pétrole et endiguer l’Union soviétique : le redéploiement militaire français au Moyen-Orient, 1973-1978
Protect Oil Supplies and Hold Back the Soviet Union: French Military Deployment in the Middle East, 1973-1978
From 1973 to 1978, on the instigation of successive Presidents, France increased its diplomatic and military commitment to a region that had become of great importance against the background of the Cold War. Paris made efforts to favour mediation and better balance in order to strengthen international security that had been weakened by the Arab-Israeli conflict and its consequences on the oil and fuel markets.
La décennie 1970 correspond à un moment fondamental de l’histoire du Moyen-Orient en ce qu’elle voit se produire une mutation exceptionnelle des rapports de forces régionaux impliquant une pluralité d’acteurs, qu’ils soient internes ou externes à cet espace hautement conflictuel. De la guerre israélo-arabe d’octobre 1973 à l’embrasement du Liban, les événements qui traversent la période ont un tel écho international qu’ils contribuent à redessiner le schéma global des relations internationales : d’une part, le choc pétrolier renforce la dépendance économique et énergétique de l’Occident vis-à-vis des hydrocarbures moyen-orientaux ; d’autre part, la déstabilisation induite par la fragmentation régionale accroît les logiques de guerre froide en même temps qu’elle suscite de nouvelles dynamiques géopolitiques, émancipées de l’opposition entre les superpuissances. L’une et l’autre de ces évolutions contribuent à faire de la gestion des crises du Moyen-Orient un enjeu essentiel de la sécurité internationale, auquel la France est pleinement partie prenante (1).
Le renouveau de l’influence française
Au début de la décennie, celle-ci jouit dans la région d’un réel crédit diplomatique depuis la guerre des Six Jours. La décision du général de Gaulle de suspendre l’aide française à l’État hébreu afin que Paris ne soit pas tenu pour coresponsable de l’attaque israélienne de juin 1967 sur ses voisins arabes a installé la France dans une posture de neutralité à l’égard des rapports israélo-arabes. La volonté de diversifier les partenariats commerciaux a permis, elle aussi, de redorer le blason français dans cette partie du monde, un blason longtemps terni par les effets de l’intervention de Suez de 1956 et par la guerre d’Algérie. En l’occurrence, si l’embargo ordonné par de Gaulle sur les ventes d’armes aux pays belligérants a semblé consacrer le positionnement neutre de la France, les contrats conclus avec les pays arabes situés en dehors du champ de bataille ont, en réalité, considérablement accru la présence économique française en Méditerranée et au Moyen-Orient. Le dossier de la vente de 110 Mirage à la Libye de Mouammar Kadhafi en 1969 est symptomatique du positionnement ambigu dont fait preuve le pouvoir exécutif français à l’aune des années 1970. Car si la Libye se situe bel et bien hors du théâtre d’opérations, le discours virulemment anti-israélien de son dirigeant laisse peu de doutes sur son positionnement diplomatique et sur ses intentions. Certes, l’argument de guerre froide (selon lequel il s’agit de ne pas laisser les Arabes en tête-à-tête avec les Soviétiques (2)) brandi par Georges Pompidou ne convainc guère les soutiens de l’État hébreu, mais il relève d’un réel souci français d’éviter que la Méditerranée orientale ne se transforme en espace central de la confrontation Est-Ouest, avec le risque de voir un conflit local se transformer en guerre généralisée.
Ce discours gaullien sur la lutte contre la bipolarisation participe du rayonnement politique et commercial de la France dans le monde arabe au seuil de la décennie 1970 et, finalement, lui confère une responsabilité dans la gestion des crises régionales. De fait, si son poids est moindre par rapport à celui des États-Unis et de l’URSS, soucieux de soutenir leurs clients respectifs, et si les propositions du général de Gaulle puis de Pompidou sur la nécessité d’un règlement quadripartite du conflit israélo-arabe font long feu, la France s’impose comme un interlocuteur de choix au lendemain de la guerre du Kippour.
Il reste 70 % de l'article à lire
Plan de l'article