La guerre du Kippour en octobre 1973 marque une transformation profonde et durable. Pour Israël, le mythe de son invincibilité s’effondre ; pour l’Égypte, l’honneur militaire retrouvé permettra le dialogue avec Tel-Aviv. Pour les Européens, dont la France, c’est le constat d’une marginalisation au profit des États-Unis.
Kippour, 1973 : la guerre qui transforma Israël et le Moyen-Orient
Yom Kippur, 1973: the War that Transformed Israel and the Middle East
The Yom Kippur war of October 1973 led to a deep and lasting transformation. Israel’s image of invincibility collapsed, and Egypt’s renewed military honour permitted dialogue with Tel Aviv. For Europeans, France included, it was a time of marginalisation to the benefit of the United States.
Cinquante ans après la guerre du Kippour, alors que s’ouvrent les archives, Israël n’en finit pas de s’interroger sur les erreurs qui l’ont conduit à se faire surprendre par l’attaque syro-égyptienne le jour le plus sacré du calendrier juif, puis à mener une contre-offensive désastreuse, avant de se ressaisir enfin (1). Avec ses 2 600 morts, ses centaines de blessés et de prisonniers, la guerre a ébranlé la société israélienne, provoquant un séisme politique dont les conséquences se font sentir jusqu’à nos jours. Elle reste une blessure ouverte, le plus grand traumatisme qu’Israël ait connu ; du moins jusqu’aux massacres du 7 octobre 2023. La guerre d’octobre, ou « guerre du Ramadan » dans le monde arabe, a aussi radicalement transformé le Moyen-Orient, marquant l’effacement de l’URSS au terme d’une crise qui devait amener l’Europe, et en particulier la France, à repenser sa place dans la région. Analysant les failles du renseignement israélien, nous verrons comment le conflit a brisé le statu quo et redessiné les rapports de force et d’influence au Moyen-Orient.
Attaque surprise
Le 6 octobre 1973 à 13 h 55, le hurlement des sirènes annonçant la guerre brise le silence de Kippour. Sur le Golan, la plus grande bataille de chars depuis la Seconde Guerre mondiale débute par des bombardements d’artillerie massifs et des raids au sol menés deux heures durant, avant que des flots de chars appuyés par l’infanterie n’avancent sur les lignes israéliennes. Les Syriens ne mettent pas moins d’un millier de chars face aux 177 chars des deux brigades d’active israéliennes présentes sur le Golan. Le rapport de force est écrasant dans les autres armes, à l’exception de l’aviation : 15 contre 1 pour l’artillerie et 9 contre 1 pour l’infanterie (45 000 Syriens contre 5 000 Israéliens).
Au même moment, dans le Sinaï, on annonce une « guerre totale ». 200 chasseurs bombardiers égyptiens volant à basse altitude lancent une série de raids. Deux missiles sont tirés sur Tel-Aviv pour signifier que l’arrière peut être atteint. Peu après, 2 000 canons et mortiers lourds déclenchent un feu d’enfer : 10 000 obus et roquettes s’abattent en une minute, 100 000 dans l’heure qui suit. Un bombardement tactique destiné à couvrir les troupes au sol. À 14 h 20 une première vague d’assaut de 4 000 soldats d’élite franchit le canal de Suez à bord de canots aux cris d’Allah Akbar ; ils sont 33 000 en fin d’après-midi après la 12e et dernière vague. Face à eux, 450 soldats israéliens postés dans les 16 fortins de la ligne Bar-Lev, un ouvrage réputé infranchissable. Tous les fortins, sauf un, vont tomber.
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