Dans l’imbroglio libanais, la Marine nationale et l’US Navy sont engagées avec plus ou moins d’efficacité, en fonction de contraintes politiques complexes. À défaut de résultats concrets, leur coordination est très étroite, avec une volonté d’interopérabilité partagée par les amiraux, soucieux de la cohésion de leurs équipages.
Dans l’US Navy au sein de la Force multinationale de sécurité au Liban en 1983-1984
Operating with the US Navy within UNIFIL: Lebanon in 1983-1984
Amid the confusion in Lebanon the French Navy (Marine nationale) and the US Navy were committed to greater or lesser effect as the complex political constraints allowed. Though they produced few tangible results, they achieved very close coordination and, concerned for the cohesion of their ships’ companies, the admirals of both navies shared a common aim for interoperability.
C’est en acteur opérationnel et non en historien que je vous livre ce témoignage sur les interventions de la marine américaine au Liban fin 1983 et début 1984, de concert avec le groupe aéronaval du Clemenceau au sein de la Force multinationale de sécurité à Beyrouth (MNF) créée en septembre 1982. Ces opérations se déroulèrent après les attentats terroristes meurtriers quasi simultanés du 23 octobre 1983 contre le quartier général des forces américaines près de l’aéroport et celui des forces françaises, l’immeuble du Drakkar à Beyrouth. Ces attaques coûtèrent la vie à 241 Américains, 58 Français et 6 Libanais. Il s’ensuivit des actions de rétorsion et une augmentation nette de l’intensité du conflit. À ma connaissance, ces interactions aéronavales des deux marines n’ont jamais été relatées.
En échange dans l’US Navy
À l’occasion d’un échange de pilotes embarqués entre la Marine nationale et l’US Navy, j’étais affecté à Jacksonville (États-Unis) sur la base NAS Cecil Field de décembre 1982 à août 1985. À l’automne 1983, j’étais pilote de Corsair II au sein de la flottille VA-15 de l’Air Wing Six qui opérait à partir du porte-avions USS Independence. Auparavant pilote de Super-Étendard à la Flottille 14F, j’avais commencé cet échange aux États-Unis par une formation d’officier d’appontage qui m’avait permis d’embarquer sur le porte-avions USS Eisenhower avant de suivre un entraînement intense de pilote d’assaut sur A-4 Skyhawk puis A-7E Corsair II au sein de la flottille VA-174, incluant deux campagnes de tir en Californie, et des qualifications de jour et de nuit à bord du porte-avions USS Lexington. À mon arrivée au VA-15 en août 1983, la flottille et son groupe aérien étaient en fin de préparation opérationnelle au sein de la IIe Flotte américaine autour de Puerto-Rico. Le programme en avait été compressé pour accélérer le déploiement en Méditerranée du fait de la situation dégradée au Liban. À l’annonce de tirs par des frégates américaines contre des positions dans la montagne du Chouf puis d’une attaque par les Super-Étendard français de batteries druzes le 22 septembre, la pression augmenta nettement.
Fin prêt à la mi-octobre et après une dernière escale à Norfolk, son port-base, le porte-avions USS Independence appareillait le 18 octobre, ré-entraînait ses pilotes à l’appontage de nuit, ralliait son escorte et partait à vive allure vers la Méditerranée pour y renforcer le groupe du USS J.F. Kennedy qui l’y attendait depuis plusieurs semaines. Cependant son cap était plein sud et, alors que l’annonce de l’attentat sanglant du 23 octobre à Beyrouth provoquait la consternation, les pilotes découvrirent avec stupeur le 24 octobre au soir qu’ils allaient être engagés le lendemain matin à l’aube pour appuyer l’assaut sur l’île de La Grenade. Pour le groupe aérien de l’Independence, l’opération Urgent Fury sur La Grenade dura neuf jours, consistant essentiellement en missions d’appui au canon et de quelques missions de bombardement, avant que le porte-avions ne reprenne son cap à grande vitesse vers le Liban. Ces missions de combat sur La Grenade, contre une brigade parachutiste cubaine bien entraînée mais sans défense aérienne, les premières de l’aviation embarquée américaine depuis la chute de Saïgon, contribuèrent beaucoup à la cohésion et à la préparation opérationnelle de notre groupe aérien.
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