La Légion étrangère et l’Indochine ont été des sujets de prédilection du cinéma. Le film Les derniers Hommes, sorti en France en février 2024, rappelle cette épopée dramatique où une poignée de légionnaires affronta les Japonais et la jungle. Derrière le scénario et les images bien tournées, se révèle toute la dimension humaine de la Légion, une « société multiraciale mais “monoculturelle” » au service de la France depuis 1831.
Cinéma & séries - Les Derniers Hommes (2024), la Légion étrangère et l’Indochine de retour dans les salles obscures
Cinema & TV Series—Les Derniers Hommes (2024)—the Foreign Legion and Indochina are back on our screens
The Foreign Legion and Indochina have long been favourite subjects for the cinema. The film Les derniers Hommes (The Last Men) was released in France in February 2024: it relates the epic story of a handful of legionnaires facing the Japanese and the jungle. Behind the scenario and the superb images the storyline reveals the human dimension of the Legion—a multi-racial, yet mono-cultural society-within-a-society which has been serving France since 1831.
Le 21 février 2024 sortait le film Les Derniers Hommes de David Oelhoffen. Le 9 mars 1945, traqués par les soldats japonais qui souhaitent s’emparer de l’Indochine, les hommes de la Légion étrangère s’enfoncent dans l’hostile forêt de la péninsule asiatique. Malades et à bout de forces, ces 19 soldats que seul l’amour de la France rassemble vont essayer de se frayer un chemin depuis leur camp de repos de Khan Khaï jusqu’à la Chine. Ce trajet de plus de 300 km semé d’embûches sera, pour les légionnaires, semblable à une lente marche vers la mort. Dernier film à ce jour à avoir été produit par Jacques Perrin, décédé le 21 avril 2022, il est inspiré du livre Les Chiens Jaunes du légionnaire Alain Gandy. Oelhoffen en a tiré un récit « très mélancolique », reprenant du texte des préoccupations très contemporaines telles que la « réconciliation avec la nature, la peur de la mort et un certain dérèglement de la perception ».
Par ses sujets, relativement rares sur le grand écran français d’aujourd’hui, Les Derniers Hommes dénote par rapport aux autres films de guerre. Si la Légion étrangère a souvent été adaptée à l’écran le siècle dernier, on ne compte que deux autres films français ces 24 dernières années, à savoir Le Grand Homme (2014) et Mon Légionnaire (2021), ainsi qu’un film anglais intitulé Legion of Honor (2002). Malgré un intérêt amoindri ces dernières décennies, la Légion reste une source de fantasme dans l’imaginaire des réalisateurs, inspirant l’aventure et l’exotisme, tout en évoquant les thèmes d’une nouvelle vie et du dépassement de soi. Des haciendas mexicaines au désert aride marocain en passant par les forêts vietnamiennes, les aventures des hommes de la Légion étrangère sont propices aux voyages vers l’inconnu et à l’appel de la seconde chance.
L’Indochine, un front plutôt méconnu du grand public
En 1945, les offensives alliées (chinoises, américaines et anglaises) affaiblissaient grandement les forces impériales japonaises. Tandis que les Philippines sont presque entièrement libérées, les Américains ont débarqué le 19 février sur Iwo Jima. Ainsi, alors que l’Indochine était aux mains d’une administration française collaborant avec l’Axe, les Japonais décident de neutraliser de manière préemptive les forces militaires françaises pour éviter de les voir rejoindre les Alliés. Le 9 mars 1945, quelques heures après un ultimatum donné au gouverneur français de l’Indochine, l’amiral Jean Decoux, l’opération Mei est déclenchée. Près de 50 000 soldats japonais attaquent par surprise les forces françaises (1). Le soir même, à Lang Son, les autorités civiles et militaires sont invitées à un repas par l’état-major japonais. Ils sont alors mis au courant de l’offensive et reçoivent la consigne d’ordonner aux soldats français de déposer leurs armes. Refusant une telle ignominie, ils sont arrêtés et certains sont décapités à coups de sabre. Les quelque 12 000 soldats français en Indochine étaient alors appuyés de 60 000 soldats indigènes et tous sont parqués dans leurs camps militaires depuis la reddition de la métropole aux nazis. Exceptions faites de certaines places fortes, ils sont très vite submergés par les forces japonaises. Pourtant, le 12 mars, face aux pertes énormes de l’armée japonaise et malgré une supériorité d’un contre dix, le général Émile Lemonnier et le résident-général Camille Auphelle sont exécutés après avoir refusé d’ordonner la reddition des troupes (2). En 48 heures, 3 000 Français civils et militaires sont tués et toute possibilité d’organiser une réponse militaire est anéantie. Les prisonniers sont enfermés dans des camps improvisés ou même exécutés (3). Cette brutalité est d’ailleurs visible dans le film. Le soldat Tin (Teng Va) découvre un village complètement massacré par les soldats japonais. L’horreur des exactions commises par les militaires japonais écœure tous ses compagnons d’armes et, par extension, le spectateur.
Il reste 84 % de l'article à lire
Plan de l'article