Editorial
Éditorial
Plus que jamais, notre monde est soumis à des recompositions stratégiques inédites depuis la fin de la guerre froide. La guerre de haute intensité est une réalité depuis le 24 février 2022 sur notre continent avec l’attaque de la Russie contre l’Ukraine qui combat pour sa survie, tandis que le maître du Kremlin proclame urbi et orbi qu’il veut reconstituer une grande Russie, victime d’une agression de l’Otan. Une réécriture de l’histoire pour dissimuler le cynisme du nouveau Tsar de toutes les Russies. De nouvelles alliances semblent aussi se constituer avec un axe Moscou-Téhéran-Pékin-Pyongyang, espérant renverser le vieil ordre mondial issu de l’après-1945. Les normes laborieusement construites sont mises à mal dont les principes régissant les démocraties désormais minoritaires à l’échelle de la planète et concurrencées par les régimes autoritaires, voire totalitaires où l’homme fort semble être le seul à même de diriger – occultant, il faut le souligner, le rôle de la femme. Il suffit de voir les photos officielles des assemblées chinoises ou nord-coréennes.
Il en est de même au Proche et Moyen-Orient où le 7 octobre 2023 une attaque terroriste sans précédent a touché Israël. La région est à nouveau confrontée à la guerre, celle que mène Israël avec difficulté pour éliminer le Hamas, mais aussi celle que mène l’Iran par ses bras armés comme le Hezbollah, le Hamas ou encore les Houthis du Yémen pour déstabiliser une zone déjà fragile.
Ces compétitions–confrontations–affrontements sont au cœur de la 11e édition de la Chaire des grands enjeux stratégiques de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Celle-ci démontre une fois de plus l’importance de ce besoin de compréhension et d’éclaircissement d’un paysage international, hélas, de plus en plus clivé et violent, remettant en cause tous les acquis péniblement construits notamment par les Pères de l’Europe à partir des années 1950. Dix ans de travail et de pédagogie par la Chaire qui ont incontestablement permis d’éveiller l’opinion publique aux enjeux stratégiques. Si l’histoire ne se répète pas, oublier ses leçons conduit inéluctablement à la défaite.
Cette nouvelle ère marque également le retour de la dialectique nucléaire. Il ne se passe pas une semaine sans que le Kremlin et ses thuriféraires n’agitent verbalement la menace atomique. Une puissance dotée essaye de profiter de cet avantage stratégique majeur mais se retrouve confrontée à d’autres États dotés, dont la France. Depuis 60 ans, la sanctuarisation de notre sécurité est assurée par notre dissuasion nucléaire. Celle-ci a su évoluer en permanence en étant régulièrement modernisée dans le principe de la juste suffisance. Hors de question d’une inutile course effrénée à la quantité. Or, à l’heure de la guerre en Ukraine et des prochaines élections européennes, trop de déclarations de personnalités politiques ont été faites, traduisant généralement une méconnaissance grave de la grammaire nucléaire. D’où, en préambule, cet entretien avec le Major général des armées, permettant de faire le point sur les questions légitimes entourant notre dissuasion. Celle-ci, plus que jamais associée à nos forces conventionnelles, garantit notre défense alors que les tempêtes deviennent la norme. ♦