Les derniers mois voient se structurer une forme de front anti-occidental cernant l’Europe et remettant en cause les relations traditionnelles avec ces partenaires désormais regardant ailleurs. La Russie profite de cette situation, y compris en Afrique où elle commence à se substituer à la France et aux États-Unis. Il importe donc de mieux comprendre cette évolution déstabilisante.
Sud de l’Europe - La structuration d’un front anti-occidental autour de l’Europe ?
Southern Europe—Building an Anti-Western Front Around Europe?
In recent months we have witnessed the arrival of a kind of anti-Western front which is encircling Europe and challenging traditional relationships with partners who are now looking elsewhere. Russia is taking advantage of the situation, especially in Africa, where it has begun to replace France and the United States. It is important to have better understanding of this destabilising development.
Les mois de mars et d’avril 2024 auront été marqués par la structuration de lignes de forces antagonistes qui se mettent progressivement en place autour de l’Europe : la « ceinture de feu » anti-occidentale s’étend à l’Est, au Moyen-Orient et en Afrique.
Du côté du Kremlin, le succès sans surprise de Vladimir Poutine à l’élection présidentielle du 17 mars a été suivi par l’arrivée d’Andreï Belooussov, spécialiste de l’industrie, comme ministre de la Défense, indiquant ainsi l’importance de l’économie de guerre dans la stratégie russe qui se place clairement sur le long terme (1). Le grignotage russe autour de Karkhiv matérialise cette nouvelle approche qui joue à la fois sur l’attrition et les coups de butoir pour tenter de percer le front. Nul doute que le Kremlin cherche à obtenir un succès symbolique pour décourager les Européens avant les élections européennes du 9 juin prochain, et pour saper le soutien américain à l’Ukraine quelques mois avant l’élection présidentielle de novembre 2024. Mauvaise nouvelle cependant pour Vladimir Poutine, l’attentat meurtrier du 22 mars à Moscou qui a été revendiqué par l’État islamique au Khorasan (Asie centrale), démontre que les relations complexes avec l’islam et le « Sud global » pour reprendre l’expression du Kremlin, ne sont pas l’apanage des Occidentaux, mais affectent aussi la Russie et probablement la Chine. Les tensions géopolitiques entre l’Est et l’Ouest, s’accompagnent de tensions en termes de représentation entre le Sud et le Nord qui ne se résument pas à l’anti-occidentalisme, comme voudrait le faire croire le Kremlin et ses relais.
Du côté occidental, l’adhésion de la Suède le 7 mars, après celle de la Finlande l’année dernière, a transformé la mer Baltique en un « lac otanien », alors qu’il y a deux ans, il s’agissait d’un espace maritime partagé avec la Russie. Le front Est se structure donc, avec des enclaves russes (Kaliningrad, Transnistrie) qui sont autant de motifs d’actions offensives si l’occasion se présentait (2). Les événements en Géorgie opposant le gouvernement pro-Russe et la population pro-Européenne, qui rappellent ceux d’Ukraine de 2014, et les tensions sourdes entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan participent de cette recomposition des lignes de fracture à l’Est de notre continent. Dans ce bras de fer, l’engagement des Occidentaux sera déterminant. L’adoption par le Sénat américain (24 avril) d’un plan d’aide de 61 milliards de dollars à l’Ukraine donne un peu d’oxygène aux militaires ukrainiens et marque l’implication des États-Unis, au moins jusqu’aux élections de novembre. Le président Emmanuel Macron tente, sans grand succès, d’impliquer les Européens en lançant le débat sur une implication militaire sur le terrain, en évoquant le rôle de la dissuasion nucléaire française dans la défense de l’Europe et en plaçant pour la première fois le Groupe aéronaval (GAN) français sous le commandement de l’Otan lors d’un déploiement opérationnel en Méditerranée (3).
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