Le Japon a pris conscience de l’importance stratégique du Pacifique insulaire avec une approche multiforme, intégrée qui reste discrète. Pour Tokyo, il s’agit de faire face aux avancées chinoises dans la région et de trouver des partenariats avec les États insulaires mais aussi avec les puissances comme l’Australie ou la France. Toutefois, les ressources consacrées par le Japon restent encore limitées.
Le réinvestissement stratégique du Japon dans le Pacifique insulaire
En juillet 2024 se tiendra le 10e PALM (Pacific Islands Leaders Meeting), réunissant le Japon et les pays insulaires du Pacifique (Pacific Island Countries - PICs), une rencontre organisée tous les trois ans depuis 1997. Le Japon pourrait à cette occasion proposer un accord de coopération de sécurité aux pays de la région (1). Ces dernières années, Tokyo a en effet redoublé d’efforts pour se positionner comme un pourvoyeur de sécurité dans le Pacifique insulaire, en développant une approche multiforme et intégrée. La richesse des territoires océaniens en ressources halieutiques et matières premières – dont des minerais critiques –, l’importance cruciale des voies maritimes qui y transitent pour l’approvisionnement énergétique de Tokyo, leur localisation géographique stratégique dans un contexte de rivalité sino-américaine et pour le déploiement de la vision nippone d’un Indo-Pacifique libre et ouvert constituent des intérêts forts du Japon dans la région et expliquent la montée en puissance de la coopération (2). Important fournisseur d’Aide publique au développement (APD), Tokyo s’est doté d’outils novateurs pour aider à renforcer les capacités de surveillance maritime des pays de la région, mais aussi plus largement leur résilience face aux risques climatiques et géopolitiques.
Une coopération de sécurité d’abord discrète
Aujourd’hui troisième fournisseur de dons dans la région, derrière l’Australie et la Nouvelle-Zélande, le Japon a commencé à verser de l’aide aux îles du Pacifique dans les années 1970, alors que la mise en place de Zones économiques exclusives (ZEE) est discutée et que Tokyo souhaite assurer l’accès de ses bateaux de pêche. En 1997, neuf ans avant la Chine, et alors que les États-Unis et les autres grands donateurs se désengagent de la zone, Tokyo met en place un forum triennal de haut niveau pour rencontrer ses partenaires du Pacifique. Le Pacific Islands Leaders Meeting amorce un dialogue politique multilatéral, rassemblant à l’origine 16 pays de la région (3), et qui accompagne l’essor de l’aide japonaise.
La coopération de sécurité nippone passe donc d’abord par son aide au développement et se focalise sur le renforcement des capacités de surveillance et de police en mer des États de la sous-région micronésienne, plus proche historiquement et géographiquement. Elle est mise en œuvre par des acteurs civils : le ministère des Affaires étrangères (MOFA), les Garde-côtes (JCG), qui assurent la formation de leurs homologues micronésiens, mais aussi un acteur privé, la Sasakawa Peace Foundation (SPF) qui a mis en place un International Committee for Establishment of Maritime Safety System in Micronesia (4). Ce mécanisme propose des séminaires sur le droit de la mer, et permet de fournir, dès 2011, des petits bateaux de patrouille aux États fédérés de Micronésie, aux Îles Marshall et aux Palaos. Opérer de la sorte permet à Tokyo de répondre aux attentes des États océaniens qui sollicitent de l’aide pour surveiller leur ZEE et lutter contre la pêche illégale tout en étant bien accueilli par l’Australie et les États-Unis, jusqu’alors seuls pourvoyeurs de patrouilleurs pour les PICs.
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