Washington face aux conflits sécessionnistes [English original: US Foreign Policy and Secessionist Conflicts]
Washington face aux conflits sécessionnistes
Cet ouvrage est la traduction de A Stability-Seeking Power, U.S. Foreign Policy and Secessionist Conflicts, publié par McGill-Queen’s University Press en 2010, dont le contenu a été revu et augmenté. Son principal objectif est de comprendre et d’expliquer l’attitude et les réactions des États-Unis face aux conflits sécessionnistes durant la période de « l’après-guerre froide ». L’auteur analyse sept cas de crises sécessionnistes pour tester et valider la pertinence du choix de ce concept et expliquer la conduite de la diplomatie américaine face à différentes crises : la Catalogne, la Croatie, l’Érythrée, le Kosovo, la Macédoine, la Slovénie et le Somaliland.
Le concept de « quête de stabilité » internationale est au centre de cet ouvrage. L’auteur le définit « comme un état de paix entre États souverains dans une région donnée » (p. 9). Ce concept guide les décideurs de la politique étrangère américaine lorsqu’ils sont confrontés aux crises sécessionnistes. Si une entité étatique émergente est perçue par la diplomatie américaine comme étant capable d’offrir plus de stabilité politique régionale que l’État central dont elle conteste la légitimité, les États-Unis reconnaîtront diplomatiquement l’État naissant et non pas l’État central. Si en revanche les États-Unis estiment que l’État central est davantage en mesure de stabiliser son étranger proche, ils se rangeront du côté de l’État central et refuseront de reconnaître diplomatiquement l’entité sécessionniste émergente. Pour appuyer cette assertion l’auteur cite l’exemple du Somaliland. Les États-Unis ont aussi refusé de reconnaître deux régions appartenant à la Géorgie ; l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud : deux « États » créés par la Russie en violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Géorgie. Il appert que ces deux États fantoches ne peuvent pas contribuer à la stabilité du Caucase, et qu’au contraire, leur objectif est de déstabiliser davantage la Géorgie, agressée par la Russie en 2008.
L’auteur explique la logique derrière la décision des États-Unis d’octroyer la reconnaissance diplomatique aux quatre États issus de la désintégration de la Yougoslavie à savoir la Slovénie, la Croatie, le Kosovo et la Macédoine. D’après les décisions prises par la diplomatie américaine, la reconnaissance diplomatique de ces États était préférable, car elle apportait plus de stabilité politique aux Balkans que les multiples guerres fomentées par la Serbie contre les États successeurs de la Yougoslavie. La Serbie prétendrait être l’État central de la Yougoslavie et la seule capable de pacifier la région, assertion réfutée tant par les États-Unis que par l’Union européenne.
En adoptant le concept de « quête de stabilité » comme primordiale pour expliquer la conduite de la politique étrangère américaine envers les conflits sécessionnistes, l’auteur minimise les variables explicatives alternatives telles que l’influence des lobbys ethniques et les intérêts commerciaux sans les exclure complètement. L’auteur offre une démonstration factuelle solide pour justifier le choix du concept de « quête de stabilité » comme étant primordial pour comprendre les agissements de la politique étrangère américaine à l’égard des entités étatiques émergentes. Il inscrit ce concept dans un cadre théorique plus large à savoir le réalisme défensif qui offre une interprétation plus complète de l’ensemble de la politique étrangère américaine au-delà de son attitude envers les conflits sécessionnistes.
Le livre de Jonathan Paquin est très bien documenté pour satisfaire à la fois les politistes et les historiens des relations internationales. Les sources primaires sont utilisées abondamment pour appuyer ses explications. L’auteur a demandé et obtenu les documents diplomatiques américains déclassifiés en provenance du Département d’État et des ambassades américaines en vertu de la loi sur la liberté d’information (Freedom of Information Act). Ces sources primaires sont complétées par des sources secondaires, ce qui permet aux lecteurs de se familiariser non seulement avec le sujet du livre mais aussi avec les régions où sont situées les études de cas choisi par l’auteur. ♦