Malgré les sanctions et les embargos, la Russie a trouvé des moyens afin de poursuivre ses exportations par voie maritime. Avec une flotte « fantôme » s’affranchissant des règles classiques, Moscou peut mener une guerre maritime hybride. Cela oblige l’UE à anticiper de nouvelles menaces en ayant une politique maritime plus ambitieuse pour protéger ses intérêts.
Navires fantômes et corridors – Quand la ruse s’invite dans la guerre maritime entre la Russie et l’Ukraine
Ghost Vessels and Corridors—New Tricks in the War Between Russia and Ukraine
Despite sanctions and embargoes, Russia has found the means to continue exports by sea. With its ghost fleet, which obeys none of the conventional rules, Moscow is able to conduct a hybrid war at sea. The EU therefore needs to anticipate new threats though a more ambitious maritime policy in order to protect its interests.
Le côté maritime d’un conflit terrestre entre deux pays continentaux pourrait paraître négligeable. Il est cependant capital car il touche aux capacités économiques et politiques des deux pays. L’Ukraine est un pays agricole dont la plus grande partie des revenus est liée aux exportations de grains ou d’oléagineux, exportations essentiellement maritimes. La Russie est productrice de pétrole et de gaz, utilisant également la mer pour ses exportations. Tous deux pays côtiers de la mer Noire, le conflit terrestre devait fatalement déborder en mer. Cependant, au-delà de la confrontation directe, la guerre menée en mer a aussi des conséquences importantes sur l’équilibre du monde : le blé ukrainien alimente le programme alimentaire mondial et nourrit donc les pays manquant de ressources agricoles. Les prix des hydrocarbures varient en fonction de la disponibilité des matières premières, le pétrole russe y contribue.
Trois ans après le début du conflit, il est possible de souligner les principaux aspects maritimes de cette guerre, les événements, les adaptations faites par les belligérants et les autres parties prenantes du conflit, et d’en tirer les leçons pour notre défense. Chaque pays ayant ses spécificités propres, l’analyse portera d’abord sur l’Ukraine, puis saur la Russie, sans prétendre à l’exhaustivité mais en faisant ressortir les points les plus intéressants. La guerre navale en mer Noire, drones et missiles contre flotte de haute mer, qui a été déjà largement traitée, ne sera pas abordée ici (1).
L’exportation du blé ukrainien ou comment contourner le blocus naval russe en mer Noire
L’année agricole 2021 a été excellente pour l’Ukraine, la production de blé, orge ou maïs dépassait celle des années précédentes, et les exportations allaient bon train. En décembre 2021, près de la moitié des 60 Mt des céréales exportables étaient déjà livrées (2). Le secteur agricole représentait 20 % de l’économie ukrainienne et 40 % des exportations. Un secteur vital pour l’Ukraine. Dès le début de l’offensive de février 2022, la marine russe bloquait les ports ukrainiens : il n’y a pas meilleur moyen pour étouffer un pays que de couper ses lignes de communication maritimes.
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