Face à la menace russe et une probable diminution de la présence américaine en Europe, il y a urgence à déployer un dispositif consolidé suffisamment dissuasif à l’égard de Moscou, de la Baltique à la mer Noire. Les structures de commandement existent déjà et pourraient être projetées à l’Est avec un volume de forces opérationnelles venant des pays européens.
La défense de l’Europe : il y a urgence… Allons-y !
Defending Europe: The Urgent Need to Get On With It!
In the face of the Russian threat and the probable reduction of the US presence in Europe, there is an urgent need to deploy a consolidated force structure from the Baltic to the Black Sea, sufficient to deter Moscow. The command structures already exist and could be projected eastwards with a volume of operational forces drawn from European countries.
La montée en puissance de la Russie, clairement constatée par les observateurs les plus qualifiés, la volonté de plus en plus affirmée de ses dirigeants d’être à moyen terme à la mesure d’un affrontement direct avec l’Otan, le bloc géostratégique Russie–Corée du Nord–Iran, voire Chine, qui semble se dessiner à l’est de notre continent, tout cela ne laisse désormais aucun doute sur la menace qui pourrait peser d’ici peu sur l’intégrité territoriale même de l’Union européenne (UE). Après le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche qui fait maintenant planer un sérieux doute sur l’avenir de l’Otan, ou du moins sur l’engagement américain au profit de ses alliés, l’heure n’est donc plus à des propos généraux sur le renforcement de la défense européenne, à des réflexions théoriques sur son autonomie stratégique et encore moins à la projection de forces hors territoire de l’UE. Il s’agit en fait de définir au plus vite de façon très concrète une structure opérationnelle des forces des pays de l’Union afin de défendre efficacement les intérêts vitaux et la géographie de l’Europe, et en tout premier lieu de dissuader l’agresseur potentiel – la Russie –, de franchir le Rubicon.
Cette structure serait celle d’une coalition militaire des États-membres de l’Union européenne, ayant vocation à assumer la défense de l’Europe avec ou sans participation de pays tiers européens. Cependant, cette structure autonome d’engagement européen devra également être parfaitement compatible, et sans redondance, avec la structure de l’Otan pour le cas, non seulement possible, mais encore le plus probable au stade actuel de l’Alliance, où les États-Unis respecteraient les exigences de l’article 5 du Traité de Washington (1) et s’engageraient dans la défense de l’Europe.
Cette défense européenne serait d’abord terrestre. La guerre d’Ukraine nous montre, si besoin est, que la conquête du terrain reste l’objectif majeur d’une agression militaire. La défense de l’Europe doit donc s’inscrire concrètement sur le terrain, notamment tout au long de la frontière est de l’Union. Sous la protection d’un bouclier sol-air antimissile adapté au dispositif déployé sur le terrain, le dispositif de défense sous responsabilité de l’UE impliquera la capacité de coordonner l’action de forces d’un volume très largement supérieur aux déploiements opérationnels de ces dernières années dans le cadre de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Les bataillons multinationaux et les centres de commandement qui sont déjà implantés de l’Estonie à la Roumanie pourraient constituer l’amorce de cette structure opérationnelle aux frontières. La France y conserverait du reste la place de nation-cadre qu’elle a déjà en Roumanie, il en serait de même pour la Brigade allemande dans les États baltes. Tout en étant conscient des dimensions nouvelles du combat de haute intensité, notamment en matière de cyberdéfense, de maîtrise de l’Espace et de contrôle de la basse-moyenne altitude face à la menace des drones, la structure de cette coalition des pays de l’UE pourrait s’inspirer du dispositif planifié par les alliés occidentaux pendant la guerre froide. Les pays situés aux frontières orientales de l’UE fourniraient les grandes unités de 1er échelon, renforcées par des unités fournies par certains pays d’Europe centrale, de l’Ouest ou du Sud. Le 2e échelon proviendrait des pays les plus à l’ouest du continent, voire du Royaume-Uni ou des États-Unis, et serait prêt à soutenir les grandes unités déployées en 1er échelon le long des frontières orientales de l’UE.
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