La France d'outre-mer (1930-1960)
Ce livre est un témoignage. Il présente, en leurs œuvres, les administrateurs de la France d’outre-mer. Comme le souligne dans sa préface Pierre Messmer, qui fut l’un des leurs, l’évocation se situe entre conquête et décolonisation, période méconnue et souvent caricaturée alors qu’elle méritait d’être exaltée. Voilà qui est fait, et avec un ton de modestie bien venu. Onze auteurs, neuf administrateurs et deux magistrats, ont écrit l’ouvrage, enrichi de souvenirs épars.
Une première partie rappelle ce que fut « l’École coloniale », accueillante aux vocations solides et dont l’architecture bizarrement mauresque subsiste toujours à Paris, avenue de l’Observatoire. De là nous passons en Afrique noire, puis à Madagascar, puis en Indochine. L’Afrique fait le gros morceau, théâtre privilégié de l’activité des administrateurs. Le pittoresque est restitué dans son charme et sa rudesse : postes isolés, résidence du chef à l’hospitalité généreuse, tournées de brousse, épouses héroïques ou compagnes autochtones, auxiliaires indigènes méritants, chefferies traditionnelles. Mais le sérieux est au fond : on ne peut imaginer tâche plus vaste que celle des représentants de la France outremer. L’administration s’étend à l’éducation, la santé, l’économie et, bien sûr, l’ordre public dont il faut aujourd’hui admirer qu’il ait été assuré avec d’aussi pauvres effectifs.
De l’administration à la politique il n’y a qu’un pas, vite franchi. La marche vers l’indépendance sera accélérée par les rudes coups qu’ont portés à notre prestige national les événements tragiques de la Seconde Guerre mondiale. Du discours de Brazzaville, prononcé le 30 janvier 1944, au référendum d’octobre 1958, nos administrateurs ont été à la peine. Ils s’en sont bien sortis en Afrique, plus difficilement à Madagascar où ils durent faire face à la révolte de 1947, inattendue en ce doux pays. Mais c’est en Indochine que le drame fut complet : il fallut composer avec les Japonais, subir le coup de force du 9 mars 1945 et tenter contre le Viêt-minh un impossible rétablissement. Lors des indépendances de nos anciennes colonies, 1 855 administrateurs étaient encore en service. Les carrières qu’ils ont poursuivies dans d’autres domaines donnent la mesure de leur qualité.
Lisant ce livre, les militaires des Troupes de marine se souviendront des liens qui les unissent aux « commandants ». Ils ont eux-mêmes longtemps exercé le métier. Ce n’est qu’en 1950 que, dans le Nord de la Mauritanie, ils ont passé la main à un administrateur civil. Curieux civil, il est vrai : Pierre Messmer. ♦