La rémunération des militaires est un sujet paradoxal : alors qu'elle conditionne évidemment la réalisation des effectifs d'une armée professionnelle, elle n'est pas réellement placée au coeur de la problématique nouvelle des ressources humaines développée dans les armées. Marquée par des approches passionnelles et parfois irrationnelles, dans des conditions budgétaires peu favorables, elle souffre des carences d'une réflexion, insuffisamment nourrie par des données techniques et financières incontestables. C'est pourquoi, l'élaboration d'une grande politique des rémunérations apparaît imparfaitement esquissée. Pourtant, à terme et s'il veut consolider sereinement la professionnalisation des armées, le ministère ne pourra en faire l'économie. Les développements qui suivent et les orientations proposées n'ont d'autre objectif que de susciter le débat sur une question peu discutée mais d'une haute sensibilité.
Pour une véritable politique des rémunérations des militaires
Il faut partir d’un constat : l’absence d’une véritable politique des rémunérations des militaires au sein du ministère de la Défense constitue une fragilité. Comme on l’a insuffisamment relevé, elle est bien à l’origine du soubresaut le plus grave qu’aient connu les armées depuis trente ans, à travers l’expression d’un malaise latent qui, après avoir soulevé la gendarmerie fin 2001, a bien failli ébranler les armées. Seules la vigilance et l’attention du commandement, s’appuyant sur l’esprit de discipline du soldat, ont permis d’éviter une catastrophe majeure que d’aucuns anticipaient déjà.
Par politique des rémunérations, il faut entendre une stratégie à long terme s’appuyant sur une capacité de réflexion et de conception d’un dispositif réglementaire cohérent, adapté aux difficultés identifiées ou ressenties par les armées et les administrés.
Une telle appréhension « politique » des rémunérations — a priori essentielle dans le cadre d’armées désormais professionnelles et regroupant jusqu’à 60 % de contractuels à recruter et à fidéliser — paraît hélas s’effacer devant une vision très administrative et conservatrice de la solde et de ses accessoires. Pour preuve, l’interprétation généralement restrictive des textes existants et la modification marginale et a minima des seules dispositions les plus obsolètes, souvent sous la pression des événements.
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