Planète Mars
Planète Mars
Si en refermant ce livre le lecteur ne ressent pas un incoercible désir de s’envoler vers la planète rouge (ce qui était déjà le rêve de Wernher von Braun), c’est vraiment qu’il n’a ni tête ni cœur. La présentation, pour ne pas dire le plaidoyer, est en effet aussi convaincante que passionnée.
Bien que reposant sur des données scientifiques précises et détaillées, le texte se lit facilement et est à la portée de tout néophyte désireux de s’extraire de l’attraction terrestre. Si la Lune est désormais à considérer comme une banlieue, un temps abandonnée, et dont la poursuite de l’exploration ne saurait plus déclencher une mobilisation aux yeux de jeunes générations pour qui Armstrong se confond avec Neandertal, il en va autrement pour Mars que l’on peut et doit visiter au plus vite, en évitant chez nous de louper le train que la race humaine ne va pas tarder à y lancer.
Il y a de quoi être confondu par l’étendue des connaissances déjà acquises sur Mars. Après « quatre décennies d’exploration robotique », et malgré quelques « échecs cuisants », on a appris énormément de choses sur la géologie, le relief et le climat martiens. Désormais, fini de « tourner indéfiniment en rond » en émettant des hypothèses sur la cruciale « histoire de l’eau » ou le troublant problème de la vie. Le moment est venu d’aller voir sur place, de préparer le débarquement humain à l’horizon 2030 et d’aller découvrir là-bas d’éventuelles « pierres de Rosette ». Richard Heidmann révèle que « nous sommes incomparablement mieux préparés au voyage vers Mars que nous ne l’étions – relativement – quand fut lancé le défi du voyage vers la Lune ». Les technologies spécifiques sont prêtes (l’« ingénierie martienne »). Les objectifs de mission, les conditions de déroulement, les équipements nécessaires, et les devis financiers sont dans l’ensemble connus, de même que les contraintes physiques et psychologiques parmi lesquelles figurent, à côté de la persistance de risques indéniables, la durée du voyage (6 mois) et celle du séjour (18 mois) imposées par la confrontation des orbites. Malgré beaucoup de facteurs favorables, il importe de conserver une « attitude prudente et pragmatique ». Du temps sera nécessaire avant l’installation de bases permanentes du type de celles qui existent en Antarctique, voire une exploitation, une nouvelle ère de colonisation, beau et vaste programme pour le XXIe siècle et au-delà.
Vu sous cet angle et dans cet esprit dynamique, Mars apparaît comme une « caverne d’Ali Baba scientifique » dont la découverte mettra en œuvre toutes les disciplines, provoquera des « retombées colossales » et permettra en retour une « meilleure compréhension de notre propre Terre ». Il faut en attendre des réactions sur notre vie matérielle et aussi sur notre mentalité. Notre auteur n’hésite pas à élever le débat vers des sommets quasi métaphysiques. Il invoque la part de rêve, le goût du risque, le culte du héros, en appelle au sentiment et à la poésie.
La conquête de Mars ne fait pas partie des « danseuses ». C’est une affaire d’avenir dans laquelle l’Europe doit prendre place aux côtés des autres puissances, si possible au sein d’une « entente à l’échelle mondiale », bien loin des objectifs unilatéraux de guerre froide de l’époque d’Apollo. L’entreprise ne doit pas être réservée à une « petite élite techno-scientifique », mais entraîner le soutien des peuples. L’enthousiasme est communicatif. Appuyé sur un encart de photos évocatrices et sur une bibliographie commentée montrant qu’on ne craint pas la concurrence, il conduit à suggérer, en attendant mieux, l’adhésion à une association. Engagez-vous, rengagez-vous… ♦