Des armes à l'Allemagne ? (II)
Dans les conjonctures actuelles, et devant la menace soviétique, quel est le devoir de l’Allemand ? En quels termes ce devoir se pose-t-il pour lui ? Doit-il se résigner d’avance à jouer le rôle du mouton de l’abattoir ? Il n’est d’ailleurs pas seul en jeu ; il a à défendre une cause qui le dépasse. Un millénaire de culture occidentale doit-il abdiquer sans combat devant la steppe ? Le comportement des Russes sur le sol allemand au moment de leur victoire, le déchaînement de bestialités qui marqua leur entrée et qui survit dans la mémoire du vaincu comme un cauchemar d’épouvante, leur attitude « d’administrateurs » dans la suite, leur conception de l’occupation comme un nettoyage par le vide — tout cela ne peut, pour l’Allemand, laisser aucun doute sur la signification que prendrait pour lui, son pays et les siens une extension du signe slave à l’ensemble du territoire germanique. La guerre, personne ne la veut. En Allemagne moins qu’ailleurs. Elle y a laissé une signature trop voyante ! Mais est-ce une façon de l’éviter que de montrer un cœur de lâche ? La faiblesse encourage la violence.
Il y a un autre point de vue. En donnant par leur attitude la preuve qu’ils sont déterminés à se défendre contre la menace de l’Est, les Allemands de l’Ouest ont en main le moyen de transformer leur destin : ils entrent dans le front de lutte des démocraties occidentales contre le totalitarisme rouge, leur rapport avec l’occupant actuel n’est plus celui de vaincu à vainqueurs, mais celui de camarades de combat, une possibilité inespérée se présente de s’arracher à l’atmosphère de la défaite.
Des Allemands pensent dans ce sens. Le rédacteur en chef de l’excellent hebdomadaire de Coblence, Rheinischer Merkur, le Dr Kramer, traduit leur sentiment en des termes d’une parfaite netteté dans un article de tête du 13 novembre qu’il intitule : « La Volonté de Résistance » avec le sous-titre, lui aussi, fort net : « La première condition de tout soutien ». « La volonté de résistance de l’Allemagne occidentale contre la dictature est la condition de toute action menée en commun avec les démocraties de l’Ouest derrière lesquelles ne vont pas tarder à se ranger tous les peuples du monde libre. Ce que l’on nous demande d’abord, c’est le courage de vivre, la volonté de nous défendre et de durer. Dans le combat ce ne sont jamais les cœurs courageux qui restent seuls, mais les lâches prenant la fuite. Mauvaise manière de gagner des alliés que de « faire camarade » devant l’ennemi ! De tout cœur, nous souhaitons que le débat entre l’Est et l’Ouest en demeure à l’étape d’une épreuve de force politique. Personne, chez nous à l’Ouest, ne veut la guerre. La guerre, nous la connaissons assez par l’enseignement visuel de nos villes ravagées le long du Rhin, dans la Ruhr, entre Ems et Weser, entre Main et Danube. Mais si tout de même elle devait venir, la guerre, quel est donc l’homme de chez nous qui hésiterait à prendre une arme dans sa main plutôt que de recevoir une balle dans la nuque, d’être pendu à un gibet ou de périr dans une mine ? Et où est parmi nous le pleutre (Hundsfott) qui se résignerait à abandonner aux mains d’Ivan (nom générique en Allemagne pour le Russe) sa femme, sa fille ou sa sœur ? Il ne s’agit pas de jouer encore une fois au soldat ! Il ne s’agit pas de militarisme ! Il s’agit des données les plus élémentaires de la vie. La manifestation d’une authentique volonté de résistance de la part de nos populations de l’Ouest, résistance s’exerçant dans un sens parallèle aux intérêts et à l’attitude des puissances occidentales, modifierait, nous n’avons aucun doute à ce sujet, nos rapports avec ces puissances. Le rapport d’occupation se muerait en rapport d’alliance. Et le danger de guerre n’en serait pas pour autant grossi, mais diminué. Le soldat allemand est, en fin de compte, le seul soldat du monde que le Russe ait appris à connaître et à respecter. »
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