Destin de la France et stratégie mondiale
Dans les numéros de novembre et décembre 1949 de la Revue de Défense nationale, le général L.-M. Chassin a brossé un large tableau de ce que pourraient être les éléments de base de la stratégie, au début et au cours d’un prochain conflit. La France tient peu de place dans l’étude en cause, en raison de l’ampleur géographique du conflit envisagé. Étant donné cependant que nous sommes liés à son destin, peut-être conviendrait-il d’examiner de près le rôle qu’elle serait appelée à jouer. Tel est le but de cet article. Le général Chassin a souligné le substratum idéologique d’une guerre éventuelle et il en a tiré des conclusions relativement à son extension et au caractère total qu’elle revêtirait. Il a ensuite indiqué que les guerres pouvaient être classées en deux catégories : les guerres-éclairs et les guerres d’épuisement.
Une première observation vient à l’esprit : les guerres d’épuisement n’étant pas payantes, — leur nom le marque assez d’ailleurs, — ceux qui en sont responsables se trompent dans leurs calculs initiaux. Guillaume II et Hitler au lieu de réussir, par la guerre-éclair, à imposer la paix, ont été finalement vaincus à la suite d’une guerre d’épuisement. Dans l’avenir, les mêmes erreurs pourraient aboutir aux mêmes résultats ; il ne s’agit pas d’une certitude car il serait également admissible qu’il en fût autrement. Ce que l’on peut affirmer, c’est qu’on n’imagine pas quelqu’un se lançant dans une guerre qu’il penserait devoir être longue, d’autant plus qu’au facteur durée correspond non seulement la notion d’épuisement mais aussi, dans le cas de coalition, celle de la défiance touchant la fidélité de ses propres alliés.
Une guerre-éclair poussée jusqu’au terme de la victoire définitive ne peut se concevoir, dit encore le général Chassin, que si l’un des adversaires est un édifice pourri ou si l’autre dispose d’une arme décisive. La conjonction des deux est une hypothèse pouvant être retenue. Laissons de côté la première condition et contentons-nous de remuer quelques idées dans le cadre de la seconde. Dès qu’on aborde le futur on se heurte à de nombreuses inconnues dont l’importance augmente à mesure qu’on cherche à avancer dans le temps. Un souci, à la fois de simplification et de clarté, conduit à faire le départ entre l’avenir immédiat et l’autre, que par opposition on baptisera éloigné. La séparation, — éminemment conventionnelle, — entre les deux sera fixée au 1er juillet 1952.
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