Que reste-t-il du Plan Monnet ?
Le sens du Plan Monnet n’a pas toujours été exactement reconnu. La responsabilité n’en incombe certes pas au Commissariat du Plan, qui a eu un souci constant d’informer l’opinion, estimant que cette confiance témoignée aux capacités de jugement de chaque citoyen était le propre d’une démocratie digne de ce nom. De plus, le Commissariat n’a pas ménagé ses efforts pour intéresser à l’œuvre toutes les forces vives de la nation, entrepreneurs, techniciens, ouvriers. Mais cette popularité a peut-être nui au plan, car elle a suscité à son égard des prises de position fondées, non sur une appréciation des mérites intrinsèques de l’œuvre, mais sur des éléments passionnels. Dans les articles de presse, comme à la tribune du Parlement, le débat a, la plupart du temps, dévié ; les opinions se sont affrontées sur l’idée du planisme, prôné par les uns, abhorré par les autres, comme le système d’organisation économique correspondant à un certain ordre politique et social.
Les responsables du plan français se défendent pourtant d’un tel choix ; ils demeurent convaincus que le plan constitue une expérience d’ordre purement économique, dont la réalisation est indépendante des structures sociales ou politiques, et que le résultat peut être atteint par différentes voies. L’influence du Commissariat général au plan n’a pas décru régulièrement depuis ses origines, à mesure que revenaient au pouvoir les partis politiques du centre ou de la droite qui avaient fait de la lutte contre le dirigisme leur tremplin électoral. Cette situation tend à prouver que le Plan Monnet ne s’identifie nullement avec le système d’économie dont la planification soviétique présente le type le plus poussé, et qu’il ne requiert pas obligatoirement l’intervention de l’Administration à tous les stades de la vie économique.
Depuis sa création, le Commissariat du plan est passé par des phases de célébrité et d’effacement qui tiennent à des raisons complexes. Les familiers de la rue de Martignac n’ignorent pas les difficultés rencontrées, les crises traversées. Mais l’année 1950 a redonné à la maison un certain lustre : l’État des Opérations du Plan de Modernisation, document annexé au projet de Loi de Finances pour 1950, a eu un retentissement plus grand que les précédents rapports du Commissariat : il n’est pour preuve de l’estime qui s’attache, tant en France qu’à l’étranger, à la personne et à l’œuvre de M. Jean Monnet que la nouvelle des très hautes fonctions auxquelles il pourrait être appelé (1).
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