Comprendre la question du rôle social des armées sous l’angle de l’aide que les armées pourraient apporter à la résolution des problèmes sociaux est inadéquat. Certes, il importe que la population perçoive l’intérêt pour elle de disposer d’une armée, mais cet intérêt doit reposer sur une compréhension du rôle et des besoins propres aux armées, même si cela peut être difficile dans un contexte d’absence de menace perceptible.
Rôle social des armées : en quête d'une redéfinition de la nation
The social role of the armed forces: the quest for a national redefinition
It is wrong to look at the question of the social role of the armed forces solely in terms of the help they can bring to resolving social problems. While it is important that the population recognises the need to have armed forces, this must be based on an understanding of their role and special needs, even if this may be difficult in the absence of any perceived threat.
Les armées ont-elles (encore) un rôle social ? La question surgit dans le contexte actuel : absence de conscription depuis maintenant une dizaine d’années, faible soutien aux opérations militaires, sentiment d’un écart qui se creuse entre les militaires et les citoyens, qui ne seraient plus conscients de la signification de l’engagement des militaires à leur service. Ajoutons à cela la vision d’une société qui se délite, des jeunes qui auraient perdu le sens du sacrifice et de l’entraide, naguère enseignés lors du service militaire. La perte du service national comme outil pour inculquer aux jeunes un esprit de cohésion sociale, mais aussi de cohésion avec son armée, amène à supposer que les forces armées auraient peut-être une carte à jouer pour renforcer le lien social au sein de notre société, compris dans le sens de cohésion nationale au sens large et, indirectement, dans celui de soutien aux opérations militaires.
Or, il nous semble que le problème est ici mal posé, et ce pour deux raisons, faussant le raisonnement et conduisant à des solutions inadéquates. La première raison est que la solution aux problèmes sociaux identifiés, et donc à la cohésion sociale au sens large, ne peut venir des armées. La seconde est que le soutien aux opérations militaires, appréhendé sous l’angle du lien armée-nation, renvoie à la définition même de la nation et à la question du rayonnement des militaires dans notre société. Par conséquent, la question de la nation doit être repensée, ce qui aura des incidences sur le premier problème identifié (la cohésion nationale). De plus, il importe également de parvenir à une appréciation publique du rôle des armées et se rappeler que le rayonnement des militaires passe par une présence positive identifiable dans la vie civile. Ce sont tous ces aspects que nous allons développer ici.
Pour ceux qui attribuent un rôle social aux armées, celui-ci tourne généralement autour des dimensions suivantes : santé, alphabétisation, mixité sociale, passage symbolique à l’âge adulte, ouverture sur le monde, transmission de valeurs, etc. Or, ces éléments sont des conséquences de la raison d’être des militaires : la protection de leurs concitoyens. La manière dont les armées s’organisent pour remplir leur fonction entraîne un certain nombre de conséquences, parmi lesquelles celles mentionnées en introduction de ce paragraphe. Ces conséquences ne doivent pas être confondues avec la finalité des forces armées, ni guider la réflexion sur le rôle des armées qui ne serait pas en lien avec cette finalité.
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