L'auteur, spécialiste de la CSCE à l'Institut universitaire des hautes études internationales de Genève, étudie ici le long processus de la réunion de Madrid et ses conséquences pour l'avenir des relations Est-Ouest en Europe.
Les résultats de la réunion de Madrid sur les suites de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE)
Deuxième en date des rencontres multilatérales prévues par l’Acte final d’Helsinki, la réunion de Madrid sur les suites de la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), vient d’aboutir après trois ans de négociations à une série de compromis dont la somme ne paraît pas tout à fait négligeable du point de vue occidental. Après avoir procédé à une évaluation exhaustive de l’application de l’Acte final depuis la précédente rencontre paneuropéenne — celle de Belgrade, tenue en 1977-1978 — elle a formulé dans un volumineux document de clôture un ensemble de recommandations susceptibles de réactiver le processus de la CSCE. On entreprendra l’analyse de ces deux aspects des travaux à la lumière d’un examen préalable des paramètres politiques de Madrid par rapport à Belgrade.
Les paramètres de la réunion de Madrid
La réunion de Madrid se distingue nettement de celle de Belgrade par son contexte, sa durée et ses résultats (1).
1) Le contexte de Madrid était infiniment plus défavorable que celui de Belgrade. En 1977, les feux de la détente ne faisaient que pâlir : en 1980-1983, il n’en restait que des cendres. La rencontre madrilène s’ouvrit dans le lourd climat d’incertitude créé par la crise afghane et se poursuivit dans la tension consécutive à l’aggravation de la situation polonaise — deux événements qui portaient une atteinte très grave aux engagements d’Helsinki — pour s’achever dans une atmosphère empoisonnée par l’affaire de l’avion civil sud-coréen abattu par la chasse soviétique. L’usage d’artifices de procédures pour empêcher les ministres des Affaires étrangères occidentaux de s’exprimer au sujet de la Pologne ainsi que la rhétorique du sarcasme (l’URSS accusa l’Ouest de vouloir faire de Madrid une « corrida verbale ») montraient d’évidence que l’esprit de la détente avait déserté l’un des derniers lieux encore préservés du dialogue Est-Ouest : « Tout cela nous rajeunit de presque trente ans », constatait avec consternation un diplomate, « on se croirait revenu aux crises de Berlin » (2). À Belgrade, les affrontements s’étaient certes révélés rudes, mais n’avaient semble-t-il mis en cause que la finalité immédiate de la rencontre. À Madrid, ce fut en revanche le processus même de la CSCE qui frôla la rupture.
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