Conclusion
Nous avons pu mesurer notre place, à nous Français et à nous Européens, dans cette compétition internationale dans le domaine de l’Espace. Cela nous a permis d’apprécier non seulement l’ampleur de nos activités, de nos réalisations, mais aussi les potentialités que nous offrent à la fois notre recherche scientifique, notre capacité de développement technologique et notre industrie. De là, nous voyons où nous pouvons aller et dans quelle voie nous pouvons raisonnablement nous engager.
Nous avons vu aussi quelles étaient les implications politiques, diplomatiques, militaires de ces activités d’un type nouveau, et nous avons pu constater qu’elles avaient changé de forme au cours des trente années qui se sont écoulées depuis Spoutnik.
Cette meilleure connaissance du sujet peut nous amener à mieux réfléchir sur les structures administratives, industrielles ou militaires que nous devons tenter d’adapter ou de mettre en place pour faire face à ces nouveaux développements. Dans ce domaine de l’Espace, le butoir n’est pas le grand marché européen de 1992, mais le grand marché mondial que nous devons dès maintenant conquérir. Nous devons être conscients du fait que la compétition a changé d’allure et combien elle risque encore de s’accentuer dans les années à venir.
Nous avons pu nous interroger sur les implications militaires et en particulier mesurer l’importance du segment spatial sur la crédibilité à terme d’un système de défense. Nous en avons vu deux aspects : les applications directes de l’Espace (voir, écouter et communiquer), mais aussi les applications indirectes pour notre politique de défense et la connaissance du milieu où évoluent nos engins, que ce soit la haute atmosphère ou la profondeur des océans.
L’occasion nous a aussi été offerte de nous documenter sur les équilibres entre les activités civiles et militaires dans ce domaine. Il est important d’avoir en tête la nature de ces équilibres et des partages de responsabilités. Les civils ne peuvent absolument plus ignorer, qu’ils soient américains ou français, les besoins des responsables des questions de défense. Il faut prendre en considération les interactions scientifiques et technologiques existant entre les secteurs industriels et les ingénieurs qui travaillent pour les affaires spatiales, les uns dans le domaine civil, les autres dans le secteur militaire.
Un dernier point est particulièrement présent à mon esprit : la catastrophe de la navette américaine a révélé que des gens n’ont pas dit la vérité, de même que d’autres n’ont pas voulu entendre ceux qui la disaient. C’est terrible, car la NASA était parvenue à un point où les dirigeants ne se souciaient plus de la vérité, et les ingénieurs en ayant conscience n’avaient plus tendance à la dire. De ce fait des évidences ont été masquées ou niées. Il faut donc que les décideurs restent proches de leur base pour avoir une imprégnation directe de la qualité technologique et du savoir-faire dont dépend le programme. On peut être audacieux mais on n’a pas le droit d’être présomptueux dans les faits. C’est pourquoi les grands programmes sont une école très sévère et on en a conscience aussi bien chez les militaires que chez les civils.
Il n’en reste pas moins qu’il faut que nous ayons des programmes difficiles, faute de quoi nous perdrions toute crédibilité. Il le faut aussi pour retenir chez nous les meilleurs ingénieurs.