Dans une vigoureuse prise de position, l'auteur nous fait part de ses préoccupations devant l'évolution des idées qui fondent la défense nationale. Il soutient avec force que la politique de défense doit être essentiellement au service de la sécurité de la nation avant toute autre considération. Il met en garde les rêveurs contre le risque qu'il y aurait à brader aujourd'hui l'idée de nation, et les inconditionnels de la technique contre les dérives stratégiques. Il tente, à son tour, de définir les contours du système de forces de demain.
L'azur et le paratonnerre, ou la corrélation des forces de la Nation
Je partage le souci général des philosophes d’aujourd’hui de trouver un fil directeur aux actions de notre peuple, un grand dessein pour terminer le siècle dans l’espérance et repousser au loin le spectre du déclin ; je partage leur rêve d’un monde enfin pacifié par un projet à la mesure de l’homme et aux dimensions de la planète (1). Comme beaucoup, je ne m’interdis pas d’y travailler en tentant de deviner comment polariser les efforts de chacun pour qu’ils profitent à tous ; comme tout homme qui lève les yeux au ciel, je suis effrayé par l’immensité du cosmos et je sens le besoin de serrer les rangs sur mes frères humains. Avant tout, par mon métier, je me sens investi du redoutable rôle de veiller à la sécurité et à la pérennité de mon peuple.
La nation périmée
Alors, je dois m’inquiéter d’idées souvent avancées imprudemment et récuser ce postulat dangereux qui prétend que la fécondité historique de l’État nation serait aujourd’hui épuisée. Rien ne le prouve, même si l’idée de nation a pu être dévaluée en France par les extrémistes qui s’en sont saisis, et les récents remous arméniens, baltes ou kurdes montrent qu’il n’en est rien. La nation « une et indivisible » était hier au cœur de la Révolution française ; moins perceptible aujourd’hui, elle organise toujours le subconscient des Français, maintient bandé le ressort de leur énergie et justifie ces réflexes de solidarité et de sécurité collective concrétisés, chaque année, par des budgets de consensus. En attendant de pouvoir admirer l’homme sans réserve, préservons donc la nation, nous en avons encore besoin et faute de mieux, n’y touchons pas ou pas les premiers. Mais le vrai problème n’est pas là ; s’il faut chercher dans les idées de la Révolution française des points de départ à des projets d’envergure, il convient de ne pas la dénaturer en occultant l’obsession d’unité nationale qui marquait les travaux des doctrinaires d’alors, unité et indivisibilité. Ces deux principes ont été des moteurs qui ont permis bien des actions qui fondent encore l’État moderne que nous connaissons (2).
Le budget rêvé
Alors, quand je rêve, et puis n’est-ce pas mon devoir ?, c’est au budget, à celui de la Défense, en attendant le moment où les droits de l’homme et des peuples seront universellement respectés. À mesure de leur importance dans le budget de l’État, les quelque 180 milliards de francs de celui de la défense font rêver bien du monde, et c’est normal. La plupart des départements ministériels souhaitent qu’une partie de cette fabuleuse manne puisse servir à accompagner leurs efforts dans les domaines les plus variés. Rien de surprenant à cela, les affaires de défense intéressent tous les secteurs de la vie de la nation et c’est bien ainsi.
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