Ce n'est pas la première fois que l'auteur analyse les relations entre des États du monde musulman et l'islam, mais ici, il traite de cette religion dans son aspect global et telle qu'elle se présente dans notre monde à l'aube du troisième millénaire. Ses explications très claires nous permettent de comprendre, en partie du moins, quelques aspects de cette religion — qui est bien plus qu'une religion, il nous semble —, qui montre une vigueur nouvelle depuis quelques décennies.
L'islam en notre temps
« L’islam en mouvement », évoqué il y a déjà plusieurs décennies, par des enquêteurs ou observateurs alors peu écoutés, apparaît désormais comme une réalité, rendue sensible à l’immense majorité de nos concitoyens, et qui la plupart du temps les inquiète, parfois même les angoisse, car les tensions musulmanes se font sentir jusque dans les régions de l’Europe occidentale, où le nombre des musulmans s’est récemment accru. Il n’est guère, en effet, de populations musulmanes, majoritaires ou non dans l’État de leur implantation, qui n’aient, au cours de ces dernières années, connu des mouvements qualifiés, par les autorités chargées du maintien de l’ordre, ou par les observateurs étrangers, d’intégristes ou de fondamentalistes. Dans la presque totalité des cas, ces mouvements ont été considérés comme inspirés soit par l’exemple, sinon même les directives, de l’ayatollah Khomeyni, soit par l’enseignement plus ancien du cheikh égyptien Hassan al Banna, fondateur de l’association des Frères musulmans, et par les préceptes et incitations de ses disciples et émules d’aujourd’hui.
Si l’observation de ces mouvements, surtout dans les pays qui nous sont les plus proches, est opportune (1), on ne saurait se limiter à ces aperçus de l’actualité. Ceux-ci ne peuvent être correctement appréciés, et interprétés, qu’à la lumière de notions plus générales sur l’islam, et de quelques réflexions sur les bases et sur le sens de cet enseignement religieux. Ces données essentielles permettraient sans doute d’éviter certaines conclusions ou généralisations hâtives, génératrices de jugements mal fondés et d’engagements imprudents.
L’islam et la foi
L’intuition d’un illustre islamologue, savant et mystique à la fois, pourrait nous guider à l’aide de quelques notions simples et frappantes. Il nous souvient que Louis Massignon aimait à avertir ses auditeurs, surtout s’ils étaient appelés à séjourner dans un Proche-Orient toujours déconcertant, par des vues d’un laconisme fulgurant, propres à stimuler des contacts apaisés et féconds aussi bien qu’à alimenter la réflexion. C’est à Beyrouth que, dans les années 30, nous entendîmes Louis Massignon mettre, de la sorte, les grandes religions révélées en parallèle avec les vertus théologales. Le christianisme, disait-il, correspond à la charité, car il repose sur l’amour ; le judaïsme, dans l’attente du Messie, s’adonne à l’espérance. L’islam reconnaît la foi pour sa base assurée et exigence majeure.
Il reste 93 % de l'article à lire
Plan de l'article