Dans quelques semaines, l'auteur va quitter ses fonctions de Chef d'état-major de la Marine (CEMM), qu'il a remplies avec une intelligence et une compétence particulièrement remarquées. Dans un article concis, précis et réaliste, il nous fait part de ses réflexions sur la Marine que doit posséder la France en cette fin du XXe siècle pour tenir sa place dans le monde. Cet article a été écrit en juillet avant le déclenchement de la crise Irak-Koweït.
Quelle Marine pour la France ?
Nous vivons des temps incertains. Nul ne peut raisonnablement prétendre avoir tiré toutes les conséquences des événements qui ont récemment secoué l’Europe centrale et de l’Est. Mais si les perspectives ouvertes par les initiatives soviétiques et par le processus de maîtrise des armements font espérer un affaiblissement des tensions, bien des interrogations subsistent quant à la persistance des menaces potentielles, à l’évolution de l’Alliance atlantique et au devenir de l’Europe. Hors de notre continent, l’effacement relatif des deux superpuissances fait place à l’instabilité d’un monde où sourdent des ambitions, des rivalités et des rancœurs mal contenues.
Gérer l’incertitude
Les schémas traditionnels sur lesquels, depuis quarante ans, se fondait notre réflexion en matière de défense sont ébranlés. Pour quelles menaces l’outil militaire de la France doit-il être dimensionné ? Quelles seront les missions des armées et dans quel cadre de défense s’intégreront-elles ? Au terme même de défense tendent à se substituer ceux de sécurité et de stabilité, qui ont pour corollaires ceux de vigilance et de dissuasion. Il serait cependant absurde de considérer, devant trop d’imprévisible, qu’il est préférable d’en rester aux conceptions d’aujourd’hui en ne retenant que l’une des options possibles, le statu quo.
L’incertitude, en fait, ne pèse pas sur les missions des armées. Demain, elles seront peu différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui, telles que les définit la dernière loi de programmation. La France devra toujours garantir son territoire et préserver sa liberté d’action et de décision. Il lui faudra toujours contribuer à l’équilibre et à la sécurité de l’Europe. Elle aura toujours à assurer sa présence dans le monde, à faire respecter sa souveraineté, à protéger ses ressortissants, ses intérêts et ses approvisionnements, à entretenir les liens d’amitié qu’elle a tissés avec de nombreux États et à honorer ses engagements. Elle voudra toujours contribuer au maintien de la paix par des actions de solidarité internationale à caractère humanitaire, juridique ou réglementaire. Certes, le cadre des missions dévolues aux armées pourra s’élargir encore au gré des évolutions de l’Europe politique, mais l’esprit n’en changera guère.
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