Politique et diplomatie - L'été 1990
Plus rien ne sera comme avant ! Telle est la certitude confuse qu’ont les hommes lors de crises majeures. On ne saurait définir ce qui est changé, mais on sait que s’est produit quelque chose d’irréversible. L’Irak de Saddam Hussein, en s’emparant du Koweït, a provoqué une formidable onde de choc. Les marchés financiers, si prompts à transmettre les paniques, ont immédiatement répercuté la nouvelle : le monde reste dangereux, la guerre demeure une possibilité.
L’année 1989 est celle de la liberté, de la démocratie, de la disparition de l’affrontement Est-Ouest. L’humanité entre dans « la fin de l’histoire » ; les États communistes s’étant convertis aux valeurs de marché et de pluralisme, les tâches de l’avenir se dessinent clairement : intégrer les pays ex-socialistes dans les circuits internationaux d’échanges, organiser et gérer la multiplication des interdépendances. Le Sud apparaît à nouveau comme le grand perdant. Déjà les rêves de nouvel ordre économique mondial, nés dans la décennie 70, se sont enlisés, recevant un double coup de grâce de l’échec des expériences tiers-mondistes et du retour en force des idées libérales. Avec la fin de la guerre froide, le Sud n’est même plus un enjeu géostratégique, jouant, pour obtenir des aides, de la rivalité entre Washington et Moscou. Tout au long des années 80, la seule arme du Sud, le pétrole, lui échappe : l’or noir est abondant. Bref, le Sud soit — à l’image des nouveaux pays industriels — s’insère dans la compétition technico-économique, soit — comme l’Afrique noire — s’enfonce dans la pauvreté et l’assistance.
L’année 1989 fut centrée sur l’Europe ; en outre, elle fut perçue comme l’année zéro d’un ordre international pacifique et démocratique. L’été 1990 rappelle que les problèmes non résolus, les conflits sont toujours là. Le changement fondamental réside bien dans l’évanouissement de l’ordre Est-Ouest. Celui-ci combinait trois éléments : la division de l’Europe en deux blocs (cette division se retrouvant, dans une certaine mesure, en Asie, au moins pour le Japon et la Corée) ; la concertation américano-soviétique, celle-ci supposant une relative égalité entre les deux adversaires-partenaires ; enfin, dans le Tiers Monde, un affrontement maîtrisé, les États clients ne pouvant atteindre leurs objectifs sans le soutien de l’un des deux supergrands.
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