Politique et diplomatie - Hypothèses pour l'après-guerre du Golfe
Face à la guerre du Koweït, l’expert ne saurait qu’être invité à la modestie. Nul, aujourd’hui, ne peut prévoir exactement ses conséquences.
Première incertitude : l’avenir de l’Irak. Par Saddam Hussein, ce pays a voulu être la grande nation du monde arabe, luttant contre le fanatisme iranien, résistant à une énorme coalition. Le rêve s’est effondré. Alors l’Irak sera-t-il enfermé dans sa position de pays vaincu, pestiféré du Proche-Orient, concentrant les rancœurs et les amertumes ? Par un paradoxe tragique, il avait accompli une forme de modernisation, mais il n’a pas su résoudre la question sur laquelle butent tous les États arabes : la création d’un régime ayant une réelle légitimité populaire.
Deuxième incertitude : les réactions arabes. Celles-ci sont loin d’être uniformes et ne peuvent être réduites ni à l’enthousiasme pour Saddam Hussein de foules à la recherche d’un mythe, ni à la crainte des gouvernements en place. Chez un Arabe modéré, ouvert, surgissent d’abord le déchirement, l’amertume. La cause de Saddam Hussein était mauvaise. Nasser redonnait à l’Égypte ce qui tout de même était sien, Saddam Hussein frappe l’un de ses frères arabes. Mais celui-ci a combattu l’Iran khomeyniste ; sa solitude face à la coalition l’érige malgré tout en héros. La légitimité des monarchies est-elle plus solide que celle de la dictature baassiste ? Alors que signifie, pour cet Arabe éclairé, la défaite de l’Irak ? L’humiliation et, plus précisément, l’exaspération de cette conscience d’impuissance, confirmant l’irréalisme des Arabes… Ou la guerre du Koweït peut-elle constituer ce tournant historique, amenant les Arabes à surmonter leur difficulté essentielle : accepter, assumer la modernité tout en demeurant eux-mêmes ? Existe-t-il une antinomie fondamentale entre l’univers arabo-islamique et cette modernité, qu’il s’agisse du statut de la femme, de la démocratie ou des règles de la vie économique ? La guerre réveille à nouveau cette interrogation : Saddam Hussein lui-même, qui s’est voulu modernisateur, n’a-t-il pas brandi la guerre sainte pour mobiliser les Arabes autour de lui ?
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