L'auteur est bien placé pour évoquer ce sujet permanent d'actualité : il a en effet été chargé, en 1970, lorsqu'il se trouvait au 2e bureau (renseignement) de l'Armée de terre, de suivre le développement de la crise irlandaise, alors à ses débuts. Elle se poursuivait toujours lorsqu'il fut envoyé à Londres en 1989 comme attaché militaire, et à ce titre, accrédité en république d'Irlande à Dublin, où il a eu de nombreux contacts et de fréquentes conversations sur ce sujet. Cet article complète bien les actes de notre colloque sur la Grande-Bretagne publié dans ce numéro.
La situation en Irlande du Nord
Le choc créé dans les différentes opinions par la semaine sanglante vécue en Irlande du Nord, avec 24 morts entre le 23 et le 30 octobre 1993, a incité Londres et Dublin à sortir de leur apparent attentisme et à pousser de difficiles négociations vers une nouvelle étape, dans un conflit qui a fait plus de 3 000 victimes dans les dernières onze années.
Les gouvernements britannique et irlandais ont donc réussi à publier le 15 décembre 1993, et avant Noël comme ils le souhaitaient, une déclaration sur l’Irlande du Nord, Londres reconnaissant pour légitimes les aspirations à l’unité des Irlandais, ceux-ci s’engageant vis-à-vis de l’Ulster à ne pas modifier son statut sans un accord majoritaire de sa population. Cependant cette déclaration n’offre pas de solution institutionnelle dans une « querelle de famille » qui ne peut être réglée qu’avec les représentants des forces politiques opposées en Ulster, et malgré une avancée certaine saluée par toute la presse, d’autres négociations restent à réussir avec les partis. On ne peut en comprendre la portée sans un retour dans le passé tourmenté de cette île, qui nous amènera à mesurer le niveau de l’engagement militaire britannique considérable dans les six comtés du Nord. Nous pourrons alors évoquer ce que représente la normalisation des relations entre Londres et Dublin, pour enfin tenter d’évaluer ce nouveau point de départ dans la recherche déjà ancienne d’un processus de paix.
Les racines historiques du conflit
On ne peut bien saisir la situation actuelle (comme d’ailleurs dans le cas de la Bosnie) sans revenir au passé : lorsque les Anglais déclarent en soupirant que le conflit (ramené au vocable plus neutre de « troubles ») dure depuis quatre siècles, ils font allusion, pour cette île à majorité catholique mais déjà inféodée à la Couronne, aux premières « plantations » protestantes venues d’Écosse au XVIe siècle et qui devaient entraîner une domination rapide dans le comté de Down. Cette colonisation s’étendit ensuite vers le nord-ouest dans le comté de Londonderry (ex-Coleraine). À partir du XVIIe siècle, la province d’Ulster comprit neuf comtés : Antrim, Down, Armagh, Monaghan, Londonderry, Donegal, Tyrone, Fermanagh et Cavan.
Il reste 90 % de l'article à lire
Plan de l'article