Forces spirituelles et intégrismes
Merci, cher président, d’avoir évoqué mon appartenance, il y a quelque temps, au Comité d’études de défense nationale ; je garde de ces six années un souvenir vif et chaleureux qui fait que, lorsque vous m’avez sollicité pour intervenir au début de cette journée, j’ai accepté de grand cœur. Mon témoignage n’a pas d’autre ambition que d’apporter quelques éléments de réflexion, d’élucider le rapport entre religion et fondamentalisme, et de poser quelques questions auxquelles le reste de la journée apportera des réponses.
Ma communication s’intitule « Forces spirituelles et intégrismes » ; il est évident qu’il y a d’autres forces spirituelles que les religions : les idéologies, les courants de pensée, les philosophies ; mais les religions sont assurément, à l’intérieur des forces spirituelles, la réalité la plus ancienne, la plus universelle et celle qui compte le plus d’adhérents. C’est donc essentiellement des religions que je parlerai. Mon intervention trouve sa signification dans sa relation avec le thème général « Religions et conflits », dont Paul-Marie de La Gorce vient de dessiner le cadre.
Le sujet procède d’un constat et soulève plusieurs questions. Le constat, c’est celui de l’importance du fait religieux dans la vie de l’humanité aujourd’hui, les déterminations des individus, les rapports entre les peuples. Quelque avenir qu’on pronostique pour le fait religieux, c’est aujourd’hui un phénomène qui s’impose à l’observateur, et on se rend bien compte que, contrairement à certaines interprétations philosophiques, il a une réalité propre, une consistance, une certaine autonomie, ce n’est pas seulement l’habillage ou le déguisement d’autres réalités qui seraient plus déterminantes, comme l’affirmait le marxisme, qui reléguait le religieux dans la superstructure. Le temps est heureusement révolu des analyses réductrices qui ne prenaient en compte que le nombre des divisions, le poids de l’argent, le montant des investissements en capitaux. Les faits, que l’on peut appeler immatériels, de croyance, de conviction, religieuse ou autre, ont aussi une part déterminante dans le comportement des individus et les choix des collectivités. Ainsi, toute analyse de situation, toute évaluation, à plus forte raison toute tentative d’explication se doit de prendre en compte les phénomènes religieux.
Il reste 84 % de l'article à lire