L'auteur nous livre ses remarques sur l’élargissement de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (Otan), affaire délicate qui préoccupe Américains et Russes, mais aussi les Européens, de l’Est comme de l’Ouest.
Considérations sur l'élargissement de l'Otan
Posée en 1993, la question de l’élargissement de l’Otan à l’Est n’a plus quitté le calendrier diplomatique. Deux ans après, il semble que le moment approche où les Alliés prendront la décision d’agrandir l’Alliance ; mais avant d’en arriver là, il y a eu bien des péripéties.
La question est apparue au grand jour pendant l’été 1993, lorsque, au cours d’une visite en Pologne, M. Eltsine affirma que le désir exprimé par les pays du groupe de Visegrad d’adhérer à l’Otan était vu par lui avec « compréhension » et ne lui semblait pas contraire aux intérêts de la Russie. Cependant il revint très vite en arrière, mit en garde les Occidentaux contre toute « tentative d’isolement de la Russie » et leur proposa de définir conjointement des garanties de sécurité pour les pays d’Europe centrale et orientale (Peco). Après la demande d’adhésion présentée par la Lituanie au début de janvier 1994, la réaction négative de la Russie fut encore plus nette. Au sommet atlantique de janvier 1994, l’Alliance ne put donc pas prendre la décision de s’engager sur la voie de l’élargissement ; elle dut reculer et se contenta, reprenant une idée américaine, de lancer le Partenariat pour la paix. Celui-ci ne donnait certes pas aux États qui ambitionnaient de rejoindre l’Otan les garanties espérées, mais il permettait d’établir des liens plus fermes que dans le Conseil de coopération nord-atlantique et gardait ouverte la perspective de l’adhésion. Il voulait aussi rassurer la Russie : il lui était d’ailleurs accessible, preuve, affirmait-on, que l’Ouest ne cherchait aucunement à l’isoler. Le restant de l’année 1994 s’est passé à mettre en place le Partenariat pour la paix, mais également à poursuivre la réflexion sur l’élargissement et à tenter de définir les relations avec la Russie. Les Alliés ont en effet refusé de considérer que le dossier était clos et repoussé toute idée d’un veto russe en la matière.
Progressivement, la formule consistant à dire que la question n’est pas de savoir si l’élargissement doit avoir lieu, mais quand et au profit de qui, semble être devenue la doctrine de l’Alliance et celle-ci a décidé en décembre 1994 « d’engager un processus d’examen en son sein afin de déterminer la manière dont l’Otan s’élargira, les principes devant régir ce processus et les implications du statut de membre » (1). La nette évolution qui s’est produite entre janvier — où l’on a réservé le principe d’un élargissement éventuel « dans le cadre d’un processus évolutif, compte tenu des développements politiques et de sécurité dans l’ensemble de l’Europe » — et décembre — où on en est arrivé au calendrier, aux modalités et aux critères — a évidemment pesé sur les relations avec la Russie. En juin 1994, après bien des difficultés, on était parvenu à un compromis provisoire : la Russie avait signé le document-cadre du Partenariat pour la paix et, par ailleurs, elle avait, avec les seize de l’Alliance atlantique, adopté un document sur un dialogue plus vaste entre eux, intitulé Relevé des conclusions découlant des discussions tenues entre le Conseil de l’Atlantique Nord et le ministre des Affaires étrangères de la Russie. En décembre 1994, M. Kozyrev refusa de signer le programme de partenariat individuel de la Russie et le document relatif aux relations spéciales entre Moscou et l’Otan, préparé à partir du texte de juin, pour bien marquer le mécontentement russe quant à l’évolution du dossier de l’élargissement.
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