À l’occasion de la navrante polémique sur les essais nucléaires, l'auteur nous fait part de ses réflexions sur l’esprit et l’instinct de défense ; il énonce en particulier quelques vérités dont beaucoup devraient prendre connaissance et par suite observer la retenue qui s’impose.
La défense par les armes et la défense par l'esprit
La traditionnelle remise en question des crédits militaires ne peut épargner la France en un temps où l’État s’engage à diminuer ses dépenses. D’autre part, la décision de conserver le système principal de la souveraineté nationale se trouve épisodiquement contestée au nom de théories pacifistes et d’une évolution internationale prétendument définitive. L’annonce de la reprise de quelques tirs nucléaires ne pouvait manquer d’attiser une telle opposition. Enfin, la constatation quotidienne, sur les petits écrans, de l’enlisement meurtrier de la fraction la plus médiatisée de nos forces armées, occupée à de prétendues « interventions humanitaires », donne de l’armée entière une image d’impuissance. C’est en fait tout le principe de la défense de notre collectivité qui se voit ainsi sournoisement attaqué. Serait-elle devenue inutile, ou les problèmes de l’opinion ne sont-ils pas issus du vieillissement des concepts d’utilisation des forces et de leurs moyens ?
Les conséquences de la chute du mur de Berlin et de la transformation de l’URSS, tant dans l’évolution voulue par ses dirigeants que par les modifications spontanées et les traumatismes de coups d’État avortés, ont été maintes fois analysées. Toutefois il faut se méfier de toute prétendue irréversibilité. Des soulagements apparaissent, mais aussi des raisons d’inquiétude. D’une part, l’atténuation de la vraisemblance d’un conflit extrême a mis un frein, au moins psychologique, aux confrontations, mais nationalismes, irrédentismes et bonnes vieilles haines longuement ressassées y ont trouvé l’occasion d’exploser. D’autre part, nous devons y percevoir une source de prolifération nucléaire par la dissémination d’engins tactiques existants, à la disposition des forces et non à celle du gouvernement comme en France, donc désormais moins surveillés. Simultanément, une prolifération indirecte, par dispersion du savoir simple (bombe A primitive) est à craindre, au moment où, pour des restrictions politiques, la perte des connaissances et des savoir-faire les plus complexes (fusion, compacité et miniaturisation) menace un État comme la France (1), pourtant déjà nucléaire de longue date. Enfin des proliférations classiques, mais ayant des conséquences sur l’armement nucléaire, apparaissent clairement : en particulier les vecteurs, missiles d’origine russe ou chinoise, en importation directe ou en copie de fabrication locale.
La grande question est : sommes-nous toujours menacés et par qui ? Il est facile de répondre oui à la première partie : jamais, en fait, la prétendue « paix » précédente ne s’est étendue à toute la planète ; des conflits locaux ont toujours semé deuils et misère. De plus, si le commerce des armes paraît moins florissant pour nos industriels, les ressources affectées à ces équipements sont encore énormes, du moins ailleurs qu’en Occident. Cependant, à la seconde partie de la question, il ne s’agit pas de trouver la réponse, mais bien d’oser l’avouer ! Aux raisons classiques d’hostilité s’ajoutent en effet les antagonismes camouflés, les aléas croissants du désordre économique mondial : « crise » chez les riches, croissance insupportable du poids démographique chez les pauvres, deux menaces liées, dont nous allons tenter une analyse rapide.
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