L'auteur développe ses idées en commentaire à l’article de Jean-Paul Jacquet, paru dans notre numéro de juin 1995 : « À propos des missions de service public des armées ».
Officiers, pour quel service public ?
Les forces armées constituèrent naguère un potentiel disponible pour des tâches d’agression ou de défense estimées conformes à l’intérêt national et la période d’emploi de cette force ne pouvait avoir d’autre nom que la guerre. La mise en œuvre de la force dépendait d’une volonté nationale, soit provoquée, soit ressentie, par l’appareil politique à la tête de l’État. Les militaires étaient au service du pays, non par contrat au sens synallagmatique du terme, mais par engagement ou par obligation et leur rôle était de maintenir dans un état de disponibilité immédiate un moyen de destruction aussi efficace que les ressources du pays le permettaient, afin que, opposé à un autre de même nature, il fût capable de réduire ce dernier à l’impuissance aussi rapidement que possible. L’armée avait une finalité précise : le combat. Son efficacité était à chaque instant susceptible d’être mesurée ; son emploi se situait dans une perspective nationale et ses membres pouvaient en tout temps avoir une conscience claire de leur rôle.
Rapprochées d’une théorie générale du service public, ces lignes qui témoignent d’une appréciation classique du concept de forces armées laissent apparaître cette profonde dissemblance. L’idée de destruction de ce qui existe est incluse dans le service des forces armées. Le service public porte en un point très haut l’idée de construction, d’édification en vue de la satisfaction de besoins collectifs. Il n’y a jamais eu pour lui de compréhension d’un besoin commun à une collectivité humaine qui puisse s’exprimer dans la destruction physique, matérielle, irrémédiable, d’êtres ou de biens, sauf à se tourner vers une certaine irrationalité que notre esprit sait aussi nourrir en lui.
Les armées françaises sont liées actuellement de façon fondamentale à un but qui s’inscrit dans la politique de la nation comme défensive. Dès lors, le service public de la défense recouvre deux finalités essentielles : la première vise seulement une gestion la plus économique et de préférence la plus indépendante possible des mécanismes permanents de sécurité ; la seconde a pour objectif la gestion adaptée à une conjoncture de crise du potentiel national au besoin tout entier (1).
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