L'affaire de l'Altmark
Le samedi 17 février, un communiqué de l’Amirauté Britannique annonçait que, au cours de la nuit précédente, le destroyer Cossack avait rejoint et abordé, dans le fjord norvégien de Joesing, où il s’était réfugié, le navire auxiliaire allemand Altmark et délivré les quelque trois cents marins anglais composant les équipages des bâtiments marchands coulés par le Graf Spee dans l’Atlantique Sud. Ce brillant fait d’armes, heureux épilogue de la victoire remportée par les croiseurs de l’amiral Harwood au large du Rio de la Plata (13 décembre 1939), a été salué avec enthousiasme en Angleterre et en France et commenté très favorablement dans la plupart des pays neutres…, hormis celui dans les eaux duquel il s’est déroulé. Il convient de l’examiner à un double point de vue : d’abord comme un remarquable exemple d’opération navale bien conduite, puis, sous l’angle juridique, dans ses relations avec les règles du droit international maritime.
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L’Altmark est, sans contestation possible, un bâtiment auxiliaire de la flotte de guerre allemande et doit par suite être considéré comme incorporé à cette flotte, en dépit des furieuses protestations de la propagande germanique tendant à le représenter comme un pacifique « navire marchand non armé ». Son statut véritable résulte clairement du fait qu’on ne trouve pas trace d’un bâtiment du nom d’Altmark dans le « Loyd’s register of merchant shipping » et que par contre son nom figure, avec l’indication spéciale des navires classés comme bâtiments de guerre, dans un document officiel international, le « Bulletin pour 1939 du Bureau international des télécommunications », bulletin dont les éléments sont fournis par les États intéressés. D’autre part, il est établi que l’Altmark a participé étroitement, pendant près de trois mois, aux opérations du Graf Spee, en la double qualité de ravitailleur de combustible (tanker) et de bateau-prison chargé de transporter les équipages des bâtiments détruits. Quant à son armement militaire, il semble bien, d’après les témoignages recueillis, qu’il se réduisait à quelques pièces de défense anti-aérienne (deux pom-pom et quatre mitrailleuses) — armement admis pour les navires marchands — mais ce fait ne saurait en rien modifier sa qualité de bâtiment de guerre.
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