Correspondance - La 4e DCR à Montcornet
Dans un article « La 4e DCR à Montcornet » (Revue de Défense Nationale, mai 1950), le commandant d’Ornano après avoir cité des extraits du rapport d’opérations du général Delestraint. « …C’est qu’en effet, en dépit de tous les progrès de la technique, les esprits demeurent figés dans leurs conceptions de 1918, celles d’une arme qui vient de naître. Notre doctrine d’emploi reste à peu près celle de 1918 : l’accompagnement de l’infanterie. » Déclare : « Nombreux, pourtant, étaient les esprits qui entrevoyaient l’utilisation possible des masses cuirassées. Mais, nul ne concrétisait sa pensée, si ce n’est, sous forme de rapport confidentiel. »
Cette façon de montrer l’évolution de la pensée militaire française ne correspond pas à la réalité.
Si, effectivement, beaucoup d’études furent portées à la connaissance du Commandement, sous forme confidentielle, en particulier celles du général Velpry et du général Delestraint, et on doit les retrouver au Service Historique dans les archives du 3e Bureau de l’E. M. A., certains travaux n’en restèrent pas là.
En particulier, en juin 1936, étant au 3e Bureau de l’État-Major de l’Armée, je rédigeais une « Étude sur le problème militaire français » où je préconisais la formation immédiate de divisions cuirassées. Ce travail occasionna une déclaration de M. Daladier, ministre de la Guerre, en septembre 1936 sur la création prochaine de divisions cuirassées lourdes et fut l’objet de délibérations au Conseil supérieur de la Guerre.
Il en résulta la formation du Groupement cuirassé à Nancy et des exercices de cadres ayant pour objet l’emploi de ces unités.
En outre, en juillet 1939, j’ai eu l’honneur, à Coëtquidan, de commander un bataillon de chars, comprenant 96 appareils, qui servit de base aux expériences dirigées par le général de la Laurencie et où l’emploi des chars sortait nettement de l’accompagnement pur et simple de l’infanterie.
Si la Guerre nous surprit sans qu’aucune grande unité cuirassée ne soit sortie, hors les 2 premières divisions légères mécaniques, c’est que les chars modernes aptes au combat mécanique n’étaient pas nombreux et surtout que les chars légers n’étaient pas munis du canon anti-char mle 1938 qui n’apparaîtra qu’en mars 1940 et étaient dépourvus de radio.
Par ailleurs, le général Altmayer, inspecteur de la Cavalerie, avait fait publier en 1935 un règlement d’emploi des DLM qui permettait de faire face à toutes les formes de la guerre mécanique.
Enfin, si les divisions cuirassées ne sont nées qu’en octobre 1939, après les expériences de la guerre de Pologne, c’est qu’effectivement tous les esprits n’étaient pas encore acquis à la nouvelle forme de guerre qui résultait de l’apparition du moteur sur le champ de bataille.
Je ne crois pas qu’il soit exact de dire que les esprits restaient figés dans l’accompagnement de l’infanterie. Beaucoup de Chefs et de jeunes officiers étaient penchés sur ces problèmes et poussaient à la réalisation de formules plus modernes.
Que ces grandes unités cuirassées ne soient pas nées avant le conflit, c’est éminemment regrettable, mais cette déficience en rejoint d’autres dans la non-préparation à la guerre moderne et l’idée défensive qui était alors la base de notre doctrine militaire. ♦