Avec sa verve habituelle et son esprit d’analyse décapant, l’auteur enchaîne la lecture de trois livres récents qui tentent de statuer sur l’existence et la nature de Dieu ; il leur consacre un débat inattendu, à la vigueur roborative.
Dieu, oui ou non ?
God, Yes or No?
With his customary verve and pitiless analytical mind, the author synthesises his reading of three recent books that attempt to give a verdict on the existence and nature of God; he discusses them in an unexpected way, and with stimulating vigour.
Dépêchons-nous de parler de Dieu avant que quelque loi nouvelle ne nous en empêche sous peine d’être traîné devant les tribunaux. Quant à savoir en quoi ce sujet intéresse notre défense nationale et sa revue, cela devrait aller de soi à une époque où aucun domaine n’échappe à la stratégie et où la menace, autrefois sagement confiée à la perspicacité militaire, prend les formes les plus inattendues. Or, quoi de plus important pour le sort des humains que l’existence ou la non-existence de Dieu et quoi de plus étrange et de plus inquiétant que l’absence de débat sur cette question fondamentale ? On répondra que le débat est clos : Dieu est mort. C’est oublier que l’insensé de Nietzsche, courant dans la rue du village, annonçait non le décès de Dieu mais son assassinat : « Nous l’avons tué – vous et moi ! » crie le dément, « Nous sommes tous des assassins ! » (Le Gai savoir). De quoi causer, non ? Trois auteurs nous y invitent, dont nous recommandons de les aborder dans l’ordre où nous les présentons, Chantal Delsol (L’Âge du renoncement, Cerf, 2011), Rémi Brague (Les Ancres dans le ciel, Seuil, 2011), Benoît XVI (Jésus de Nazareth, 2e partie, De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection, Éditions du Rocher, 2011). Ainsi passera-t-on du sombre désespoir à l’espérance joyeuse.
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Chantal Delsol résume sa thèse dans son premier chapitre. Durant deux mille ans de chrétienté, la foi nous a comblés, foi-risque, foi-folie sans doute, foi porteuse de sens aussi, foi-espérance. Ce n’était qu’une parenthèse, qui se ferme aujourd’hui sous nos yeux malvoyants. Comment, désormais sans foi, allons-nous vivre heureux, comment, tout simplement, pourrons-nous vivre ? Réponse : il nous faut d’abord renoncer et, à la suite des intellectuels dans le vent, être « zen », forme moderne de la sagesse antique à laquelle nous sommes contraints de revenir. Le progrès auquel, dit-elle, personne ne croit plus, ne saurait tenir lieu de produit de remplacement, ce en quoi l’auteur se montre optimiste, tant il apparaît que le « progrès » perpétuel maintient nos jeunes gens dans une insouciance béate. Comme l’homme, cependant, ne peut se passer de sacré, il lui reste à sacraliser le grand Tout, dans lequel le nouveau sage doit s’immerger.
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