Armes de corruption massive. Secrets et combines des marchands de canons
Armes de corruption massive. Secrets et combines des marchands de canons
On sait comment sont les éditeurs avec les titres : il faut faire accrocheur, quitte à trahir le propos de l’auteur. C’est un peu le cas de cet ouvrage passionnant, quoiqu’au style un peu journalistique, qui traite aussi de bien autre chose que de cette corruption qui sévit dans le marché de l’armement.
Certes, relève Jean Guisnel dès sa préface, les deux sont si intimement liés qu’on se demande si le produit vendu est autant un système d’armes qu’un versement substantiel sur un compte exotique, on s’attire tout autant les grâces de dirigeants étrangers en équipant leur armée qu’en assurant leurs fins de mois. L’ouvrage détaille les dessous des dossiers qui ont défrayé la chronique, avec un détour par la Grande-Bretagne où l’affaire Al-Yamamah a dégénéré en scandale politique, jusqu’à ce qu’elle soit enterrée d’autorité dans des conditions qui n’ont rien à envier à nos propres affaires. Celles-ci sont démêlées par l’auteur avec brio, à partir de cet enchevêtrement de marchands, de décideurs et de corrupteurs, petit monde où l’on croise même quelque belle actrice dont la carrière piétine, petite France où l’on se croit au-dessus des lois et du mépris de ses concitoyens. Avec toutefois un regret : si corruption il y a, il n’est pas uniquement celle du potentat lointain, puisqu’il y a ces rétro-commissions qui intriguent tant nos juges d’instruction. Mais le propos s’arrête à la porte des partis politiques : si de nombreux noms sont cités dans l’ouvrage (sauf, malheureusement, celui de la belle dame), le recyclage de ces commissions, lors des campagnes électorales ou pour améliorer l’ordinaire de nos élus ou de nos ministres, n’est pas traité jusqu’au bout.
Jean Guisnel aborde ensuite les ratages de notre politique d’exportation. Conjonction de plusieurs facteurs : perpétuation de bricolages mettant en ligne nos grands industriels assistés de hauts fonctionnaires civils et militaires, politique certes efficace dans les années 70 mais dépassée ensuite ; puis, devant les échecs répétés, reprise en main par l’Élysée à partir de 2007, sans beaucoup plus de succès. Il faut dire à décharge que les conditions ont radicalement changé : nouvel activisme américain, où tous les moyens d’État sans exception sont coordonnés et mis au service du complexe militaro-industriel ; nouvelle éducation et compétence de nos interlocuteurs, que nos petits Français continuent toujours à « prendre pour des billes » ; et surtout inadéquation de notre offre à la demande. Et ce n’est pas fini : après le Rafale vient désormais le nEUROn. Qui achètera cet avion sans pilote dont l’Armée de l’air n’a guère besoin ? Il en faudrait, des commissions ! Et une suite à l’enquête de Guisnel. ♦