Homme et prêtre, entretien avec Jean-Robert Cain
Homme et prêtre, entretien avec Jean-Robert Cain
Homme et prêtre, tous les prêtres ne sont-ils pas ainsi faits ? Sans doute, mais celui-ci pousse au bout cette dualité, prêtre total, homme total. C’est qu’il en a vu, comme le montre cette autobiographie. En 1967, à huit ans d’âge, « je serai prêtre », affirme-t-il.
Éduqué chez les Salésiens de Don Bosco, postulant même dans cet ordre éducatif, tout change en 1980 : le voilà à Paris, chanteur, compositeur et pianiste se produisant dans cabarets et pianos-bars mais avec, sur le rebord du clavier, une statuette de la Vierge. En 1988, nouveau demi-tour : il entre chez les Dominicains. Après huit ans d’études chez ces intellectuels, il passe aux Franciscains, impressionné qu’il est par Maximilien Kolbe, dont on connaît le sacrifice, à Auschwitz, en août 1941. Franciscain encore, il passe deux ans en Roumanie, partageant la dure condition des séminaristes locaux. De retour à Marseille, il est enfin ordonné prêtre séculier, le 30 mai 1999 et nommé, en 2004, curé de l’église dite des Réformés, sur les hauts de la Canebière. Pauvre église qu’il ressuscitera, en plein quartier musulman.
Il le reconnaît lui-même, ce parcours étrange pourrait le faire juger « instable ». Sa vie fut pourtant, et même au cabaret, tout orientée vers le sacerdoce. Dans les turbulences qui ont agité notre Église depuis Vatican II et mai 1968, il suit sa route, qui n’est pas celle de Mgr Lefebvre, non plus celle des mondains. S’il porte soutane, c’est comme bleu de travail et signe d’appartenance (militaires, prenez-en de la graine !). Certes, le monde moderne lui répugne. La mort y est devenue point final, les cœurs sont « abreuvés de néant », désespérance dont Jean-Paul Sartre fut le prophète. Soumis à la dictature douce du politiquement correct, « on ne peut plus s’exprimer librement, notamment sur la souffrance » et ses vertus. Chacun s’arroge tous les droits, « à commencer par celui de comprendre ». On divorce à tout va sans se soucier du chagrin des enfants. L’obsession sexuelle se manifeste partout. L’avortement libéré est vu comme progrès. Est-ce radotage d’un aigri ? Saint-Jean, dans sa première lettre, lui sert de caution : « N’aimez pas le monde ni ce qui est dans le monde », et Benoît XVI insiste : « Le monde peut aussi polluer l’Église ».
Jean-Marie Zanotti-Sorkine est plus pessimiste que notre pape. Mai 68, Vatican II interprété à tort et à travers, la pollution de l’Église, c’est chose faite. Des catéchistes discutent les dogmes et critiquent le Saint-Père, les jeunes gens cohabitent, le beau mot de charité est banni même du vocabulaire chrétien (c’est solidarité qu’il faut dire), le baptême retardé est la sanction d’un examen de sincérité et de compréhension, les candidats au sacerdoce sont livrés aux psys qui vérifient si leur vocation n’est pas l’effet d’une déficience mentale.
Après cette charge, que propose donc notre révérend ? De fortes affirmations ! Foi sans concession ni bigoterie, ce « n’est pas une question d’idées, c’est un parti pris irrépressible pour le Christ ». Divine absolution, « le Sauveur balayant en lui, j’en suis sûr, jusqu’à la mémoire du péché » (avis aux fouille-choses de médias). Mystère de la grâce, « je suis infiniment aimé de Dieu, c’est la pierre de fondation de mon existence ». Pas très opérationnel, direz-vous. Allez donc à sa paroisse. L’église déborde de paroissiens joyeux. ♦