Editorial
Éditorial
Comme le temps a passé vite depuis 20 ans. Depuis le mois de janvier 1992, que de changements stratégiques ! Le plus évident, c’est la disparition de l’Union soviétique et du système des blocs hérité de la Seconde Guerre mondiale. Mais la trace des empires, l’austro-hongrois, l’ottoman, le soviétique, le colonial, est restée vivace et continue d’entretenir une conflictualité latente, dans les Balkans, au Proche-Orient, en Asie centrale et au Sahara. Changements aussi avec la croissance démographique continue en Afrique et en Asie, avec la mondialisation économique et culturelle généralisée et la nouvelle exigence écologique de préservation des ressources et du climat qui pèse sur tous.
Comme le temps s’est encore accéléré en 2011. Nous avons été servis en orages et en accidents violents qui ont affecté nos équilibres stratégiques. Dès le 14 janvier, les trois coups d’un « Printemps arabe » qui mobilise notre capacité militaire d’intervention aéromaritime et aéroterrestre en Libye. Puis le tsunami qui submerge les réacteurs de Fukushima le 11 mars et gèle l’avenir électronucléaire de la planète. La crise endémique des dettes souveraines de la zone euro et pour finir, le 10 décembre, l’absorption de l’Union européenne par l’Eurozone, 20 ans après le Traité de Maastricht. L’année 2011 aura été une année de forte transition, plus encore que l’année 2001 et son 11 septembre, qui ouvrait dix ans de combats contre le terrorisme dont l’épicentre fut l’Irak et la mise à l’épreuve, l’Afghanistan.
L’année 2012 est déjà là avec son changement programmé de législature. De façon plus nette qu’en 2007, cette échéance exige un projet stratégique nouveau et, du fait de la crise, porte la vive crainte d’une disette budgétaire accrue. Quelles seront les priorités du Président élu en matière de défense et de sécurité ? Les marges qu’autoriseront la représentation nationale renouvelée et la rigueur budgétaire européenne ? Que feront nos forces après le désengagement périlleux d’Afghanistan qui va débuter ?
Comme le temps va être mouvementé dans les 20 ans qui viennent. Là-bas, l’année 2032 paraît bien lointaine. On sait qu’il y aura alors un milliard d’hommes en plus sur cette planète, que France et Allemagne auront à peu près la même population. Pour le reste, tout est ouvert, le pire comme le meilleur. Une refondation européenne autour d’une logique carolingienne, un partenariat avec une communauté eurasienne stabilisée, une communauté de destin méditerranéenne, une intégration maghrébine réussie. Des armements nucléaires résiduels, des partenariats globaux pour sécuriser les espaces aériens, océaniques, spatiaux et cybernétiques et leurs flux vitaux ; quelques vastes organisations régionales de sécurité… Tout est possible, y compris le retour d’une compétition conflictuelle, voire le chaos généralisé qu’annoncent certains pour expliquer leurs obsessions stratégiques et entretenir ces peurs exigeantes en technologies, dévoreuses de crédits et si mauvaises conseillères.
En 2012, sang-froid, résolution et perspicacité seront de mise pour mettre la France à l’abri des dangers d’un monde en pleine transition stratégique et pour bâtir son avenir. ♦