La transformation de la guerre qui s’opère sous nos yeux n’en a évacué que la forme policée et désormais invalidée de l’affrontement entre États. Mais ce faisant, sa véritable nature de défi total qui engage toute la violence et la ruse dont est capable l’homme subsiste ailleurs dans ces activités déréglées que sont les conflits de basse intensité. La guerre a changé mais pas l’homme. Forte réflexion dans le droit fil du récent ouvrage de Martin Van Creveld La Transformation de la guerre que l’auteur résume fidèlement.
Préambule - De la guerre au XXIe siècle
On war in the twenty-first century
The transformation in warfare that is going on before our very eyes has so far only managed to eliminate its now obsolete aspect of policing confrontation between states. Yet in doing so its true nature, that of all-out conflict involving every ruse and act of violence of which man is capable, persists in unregulated low-intensity conflict. Warfare has changed, but not man. This is a powerful essay, inspired by the recent republication in French of Martin Van Creveld’s 1991 work, The Transformation of War.
Monsieur Martin Van Creveld ne manque pas d’air. C’est donc un homme intéressant. Les soldats ne vont pas au combat, dit-il, par intérêt d’État ou personnel mais parce que la guerre est le seul sport où la mise comme le risque sont absolus. Et ils aiment ça. Le XXIe siècle annonce la disparition de la guerre « trinitaire » chère à Jomini et Clausewitz, son fatras d’impedimenta technologiques et coûteux, d’aveuglements stratégiques et tactiques, au profit de conflits asymétriques nombreux, pluriels, rustiques, déclenchés par une multitude d’intervenants autres que les États. Voici enfin le retour de la guerre à la portée de tous. Elle va garantir à ses acteurs des frissons bien supérieurs à ceux de la grande roue de la foire du Trône ou aux surprises de la roulette russe. Ouvrez le bal.
Si les guerres conventionnelles d’envergure semblent en passe de s’éteindre, la guerre elle-même se porte mieux que jamais. Elle s’apprête à entrer dans une ère nouvelle.
Confrontés à la réalité des armes nucléaires dont l’emploi équivaudrait à un suicide collectif, les États se sont lassés de l’impérialisme territorial et de la guerre classique. Aucune superpuissance n’a, depuis 1945, entraîné l’autre dans un conflit classique, la menace même d’une telle action a quasiment toujours frisé le saugrenu. Dans le même temps la planète a enregistré 160 conflits, dont plus des trois quarts peuvent être qualifiés de basse intensité. Sans avions, chars ou artillerie lourde, ils ont fait plus de 20 millions de morts, effacé les empires coloniaux et la notion de supériorité de l’homme blanc. À peu près partout dans le monde, l’outil militaire classique s’est révélé inadapté à sa mission de défense ou d’extension des intérêts politiques. En dépit de leur brutalité et de leur avantage militaire, les forces de « contre-guérilla » échouèrent partout : Viêt-nam, Afghanistan, Tsahal en 1982 au Liban. Les raisons évoquées, traditions démocratiques, éloignement, gouffre financier dissimulent que la débauche de moyens sophistiqués et coûteux entraîne des services pléthoriques et des procédures trop lourdes, au détriment d’unités combattantes en sous-effectifs et qui, sur le terrain, sont parfois moins nombreuses que celles de l’adversaire. L’adaptation des armées à la guerre moderne est donc inversement proportionnelle à leur modernité.
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