La relation stratégique franco-britannique n’est pas seulement le fruit d’une culture stratégique îlienne accordée à une culture terrienne ; elle résulte d’un héritage politique commun ancien comme d’une expérience de moments dramatiques vécus côte à côte. Le récent Traité de Lancaster ne déroge pas à la règle.
De l’Entente cordiale au Traité de Lancaster
From the Entente Cordiale to the Lancaster House Treaty
The Franco-British strategic relationship is not only the fruit of an island culture linked to a continental culture, but also of an ancient common political heritage and of dramatic historical moments experienced side by side. The recent Lancaster House Treaty is no exception to this rule.
Bien avant l’aventure de Daladier et Chamberlain à Munich, le 9 mai 1938, Winston Spencer Churchill déclarait lors du discours de Free Trade Hall, Manchester : « France and England, the two parliamentary democracies of the West, have come together in a defensive alliance… But what is this but the first and most important step towards collective security? ». Le 15 mai 1940, à 7 h 30, le même Churchill devenu Premier ministre est réveillé par la sonnerie de son téléphone de chevet. C’est la voix d’un autre Premier ministre, Paul Reynaud : « Nous sommes battus, disait-il. Le front est percé près de Sedan ; ils passent en masse avec des chars et des voitures blindées ». Le 16 juin, aux heures les plus graves de la crise politico-militaire française, le Premier ministre britannique propose à son homologue français une union indissoluble entre les deux pays : « At this most fateful moment in the history of modern world the Governments of the United Kingdom and the French Republic make this declaration of indissoluble union and unyielding resolution in their common defence of justice and freedom, against subjection to a system which reduces mankind to a life of robots and slaves » (1).
La suite de cette étrange et irréalisable alliance est malheureusement trop connue. Remember Dunkirk and Mers-el Kebir.
Ce paradoxe historique est là pour rappeler que le drame de 1940 repose essentiellement sur la faillite d’une alliance, celle du couple franco-britannique, grand vainqueur de 1918. Il invite surtout à réfléchir à la dimension stratégique de cette alliance centenaire, renouvelée par la signature du Traité de Lancaster le 2 décembre 2010 par David Cameron et Nicolas Sarkozy. La notion de stratégie sera ici entendue dans son acception clausewitzienne, c’est-à-dire l’acte d’utiliser ou de menacer d’utiliser la force militaire afin d’atteindre des objectifs politiques. D’un bout à l’autre d’un XXe siècle hautement belligène, l’Alliance franco-britannique a été, et doit continuer à rester, le moteur de la défense de l’Europe et de ses racines culturelles principalement parce que les dirigeants politiques de ces deux pays sont les seuls à entretenir, sans discontinuité, une culture stratégique pertinente. En définitive, la mise en perspective de l’Alliance doit d’abord conduire à une connaissance approfondie de la stratégie du partenaire afin de pouvoir ensuite en déduire le segment de culture stratégique partagé.
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