Atlas de la France
Atlas de la France
La France redevient un sujet intéressant. De multiples signes le montrent et tout d’abord cet Atlas de la France, qui vient de sortir. Signé de Pascal Boniface et Hubert Védrine, il poursuit une série à succès, au risque du procédé. Mais goûtons notre plaisir car il est grand et l'emporte sur les quelques petits défauts qu’on peut relever.
Cet atlas est organisé en trois parties : une partie historique, assez classique ; une partie géographique, avec quelques innovations intéressantes ; une partie géopolitique, réellement novatrice, apportant de vraies lumières malgré quelques regrets.
Il faut tout d’abord louer le vrai signataire de l’atlas : je ne parle pas de l’éditeur ni des nombreux assistants de recherche, je parle du cartographe, Cyrille Suss, qui a réussi à dessiner des cartes claires et lisibles, avec des jeux de couleurs francs et distincts qui permettent de bien sentir les contrastes. À de multiples niveaux, une carte est affaire de « représentation » et non seulement de description du monde ; elle trahit également les présupposés (psychologiques et politiques) de son auteur. La netteté de lecture illustre le côté cartésien et pédagogique de l’ouvrage.
La première partie historique est classique, assez courte mais suffisante : la présentation des suffrages politiques aux élections présidentielles est une heureuse idée, tout comme la schématisation des rapports avec le monde depuis 1992.
La deuxième partie géographique passe rapidement sur la géographie physique pour s’intéresser à la géographie économique et humaine. Ainsi, des sujets comme « science, recherche et innovation », « les médias », le « sport » ou « l’architecture » sont-ils traités : l’atlas se veut aussi sociétal, même si la page « santé et protection sociale » manque justement d’une carte. Et si le thème de l’environnement est heureusement traité, le sujet de la gastronomie ne convainc pas. Enfin, on appréciera (car c’est chose fort rare, surtout quand on compare les atlas contemporains aux atlas du XIXe siècle où la chose était systématique) les deux cartes sur le fait militaire (une sur la défense, l’autre sur le nucléaire). Cette exception heureuse rappelle fort utilement que la chose militaire appartient au paysage français. Rien que pour ces deux cartes, l’atlas vaut le détour. Mais il est regrettable que les thèmes du soft power et du réseau diplomatique n’aient pas été illustrés.
La troisième partie géopolitique est innovante mais finalement un peu décevante. En effet, elle vise à traiter la posture extérieure de la France mais celle-ci n’a été traitée que sous l’angle des relations bilatérales : France et Allemagne, France et Angleterre, France et Brésil… Qu’il soit heureux de revenir à ces rapports bilatéraux ne fait aucun doute et les systèmes intégrateurs des vingt dernières années (ONU, UE, Otan, OMC, mondialisation, G20) ont eu trop tendance à faire oublier cette grammaire fondamentale des relations internationales. Il était donc astucieux de les mentionner. Il manque toutefois des cartes plus globales : certes, on évoque les rapports avec le monde arabe ou l’Afrique francophone, ou dans la partie 2, l’engagement européen mais c’est à notre goût un peu limité. D’autant que la succession de relations bilatérales peine à être illustrée, usant d’un procédé un peu systématique : de grosses flèches manifestent les relations économiques, migratoires, militaires ou « diplomatiques » ce qui, tout bien pesé, n’est pas vraiment éclairant.
Ainsi, la bonne idée initiale souffre de l’esprit de système.
Le texte est de bonne facture : très accessible, il convient au grand public mais n’est pas vraiment porteur d’originalité : après tout, ce n’est pas ce qu’on lui demande car il ne s’agit pas d’un ouvrage de spécialiste. Ainsi, voici un ouvrage très solide, une « référence » de fond de bibliothèque qu’il convient d’avoir car le rapport qualité/prix est excellent et cela servira aussi bien au collégien qui prépare un exposé qu’à son père qui veut vérifier un détail de son journal préféré. ♦