Afrique - Afrique australe : Pretoria avec ou sans Jamba ? - La République fédérale d'Allemagne (RFA), la Répulique démocratique allemande (RDA) et l'Afrique
Jamba est le nom de cette localité de la brousse du Sud-Est angolais où le chef de l’UNITA (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola) a installé sa capitale demeurée jusqu’ici invulnérable. Le mot « capitale », généralement utilisé pour définir ce village, ne paraît pas devoir être l’appellation convenable ; son emploi semblerait indiquer que M. Savimbi admet qu’il combat pour la sécession d’une partie du territoire angolais, mais le chef de l’UNITA a toujours déclaré (les termes choisis pour définir son mouvement le prouvent) qu’il lutte afin de libérer l’ensemble de l’Angola des influences étrangères. Cette profession de foi implique sans doute, dans son esprit, non seulement le départ des forces soviéto-cubaines, mais aussi l’abandon de toute idéologie imposée de l’extérieur et qui ne serait pas « authentiquement » africaine. Mais cela peut aussi avoir un double sens : d’abord que M. Jonas Savimbi désire participer au pouvoir à Luanda, la capitale de son pays, en second lieu qu’il est conscient que les forces rurales qu’il représente s’y opposeraient aux masses détribalisées des villes côtières, à la fois plus marquées par la culture portugaise et plus imprégnées d’idéologie marxiste. Selon lui parce que les uns ne pourraient se passer des autres, l’unité nationale ne saurait se fonder dans l’avenir que sur une nouvelle doctrine qui pourrait naître de la fusion progressive des deux tendances fondamentales du pays, à la condition toutefois que, de la seconde, fût totalement éliminé l’encadrement marxiste-léniniste que le chef de l’UNITA, même s’il ne l’avoue pas pour des raisons tactiques, estime trop sectaire pour être capable d’adopter une position de compromis.
Jamba ne peut donc pas être considéré, par les adversaires du MPLA (Mouvement populaire de libération de l’Angola, qui détient le pouvoir à Luanda), comme une capitale. Entre Cuando et Cubango qui sont tributaires du bassin du Zambèze naissant, à proximité de la Zambie et du Caprivi Strip, doigt de la Namibie qui s’enfonce en direction du Zimbabwe dans un étroit passage séparant la Zambie du Botswana, au cœur d’une population coupée des régions côtières par un massif montagneux qui frise les trois mille mètres et à quelque deux mille kilomètres de la capitale, c’est le site idéal pour l’installation d’un quartier général. Dans cette place forte, des forces armées peuvent se ravitailler facilement en vivres, en matériels, en munitions, équiper des ateliers pour réparer les engins récupérés et préparer des opérations qui n’ont plus actuellement pour objectif de triompher par les armes mais d’exercer sur le MPLA des pressions suffisamment douloureuses pour l’amener à composer. Jamba est doté d’une piste qui lui permet d’être relié par voie aérienne aux États voisins, plus particulièrement au Zaïre [NDLR : Future République démocratique du Congo], et à l’Afrique du Sud. Des possibilités de liaisons terrestres relativement faciles existent aussi avec la Zambie, la Namibie et le Shaba (ex-Katanga), partie méridionale de l’ancien Congo belge. Outre ce refuge peu vulnérable, le territoire que contrôle l’UNITA comprendrait toute la partie angolaise du bassin du Zambèze jusqu’au chemin de fer de Benguela qui relie le port angolais de Lobito à la copper-belt et permettait, en période de sécurité, au cuivre de Zambie et surtout à celui du Zaïre d’atteindre l’Atlantique.
Sur toute l’étendue de cette zone, malgré la présence de quelques postes tenus par l’armée angolaise, les forces de l’UNITA circulent en pleine sécurité. À partir de ce sanctuaire installé sur le territoire national dont il représente presque le quart de la surface, elles peuvent aller détruire les plantations et les fermes d’élevage des hauts plateaux, qui faisaient la fortune de l’Angola portugais. Elles sont aussi en mesure d’interdire la remise en état du chemin de fer de Benguela. De plus elles trouvent, dans ce sanctuaire, notamment dans la région de Mavinga, les ressources en vivres frais, en céréales et en viande qui assurent le ravitaillement des troupes, ainsi que des richesses minières (diamants), forestières et animales qui permettent d’alimenter la trésorerie du mouvement pour, notamment, financer les achats à l’étranger de matériels militaires. L’UNITA se montre donc capable de survivre grâce à des recettes provenant d’un véritable « commerce extérieur » et de limiter celui du gouvernement de Luanda en le réduisant aux seules recettes pétrolières qui, en raison de la chute des cours, s’amenuisent malgré la progression constante de l’extraction (1). Ces recettes représentent 90 % du revenu national : elles ont diminué de moitié de 1985 à 1986, puis se sont relevées en 1987 sans retrouver les chiffres du « boom ». Quant aux autres exportations traditionnelles, celle du café s’est réduite de presque 95 % par rapport à 1970, l’exploitation du minerai de fer a cessé, la production des diamants a diminué d’environ 65 %. Luanda rend responsable de ces carences le manque de qualification de la main-d’œuvre. Il est vrai que le nombre des analphabètes est important, mais il conviendrait surtout d’incriminer des défaillances économiques l’absence de motivation des cadres et surtout les destructions des guérilleros de l’UNITA, ainsi que le développement des pillages que l’insécurité ne peut que favoriser.
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