La thèse que l’auteur, expert de ces questions, défend est que pour affronter l’incertitude que provoque une prolifération nucléaire inéluctable, seule une combinaison de glaive nucléaire et de bouclier antimissile permet la gamme des stratégies nécessaires pour éviter la guerre. Et pour l’Europe, il y a urgence à réaliser un bouclier antimissile qui lui soit propre.
Pourquoi l’Europe doit se doter d’un bouclier antimissile
Why Europe needs an ABM shield
The author, who is an expert on this issue, proposes that to face up to the uncertainty provoked by unavoidable nuclear proliferation, only a combination of nuclear weapons and an ABM shield will give the range of strategies needed to prevent war. For Europe, there is an urgent need to have its own ABM shield.
Le 20 novembre 2010, la France donne son accord lors du Sommet de l’Alliance atlantique, à Lisbonne, à la construction d’un bouclier antimissile dans le cadre de l’Otan, en complément de la dissuasion nucléaire. Est-ce la bonne réponse face aux incertitudes stratégiques du XXIe siècle ? Les Européens ont-ils pris toute la mesure de la nouvelle posture stratégique mise en œuvre par les États-Unis avec leur bouclier antimissile et leur glaive nucléaire ?
La nouvelle donne stratégique
Avec le XXIe siècle, naît une nouvelle géopolitique. On ne peut tenir pour définitif l’équilibre du monde tant qu’il est confronté à une révolution technologique pour produire les richesses, une compétition énergétique acharnée, la montée de tensions alimentaires et écologiques, la naissance de nouvelles puissances et la pression croissante d’énormes masses politiques et spirituelles dotées d’armes de destruction massive. En s’interrogeant comme le fit Charles de Gaulle en 1932 : comment stabiliser les frontières et la puissance si ces évolutions continuent ? Depuis l’époque du Fil de l’épée, où vivaient 2 milliards d’hommes sur Terre, sans désavouer aucune espérance et alors que nous sommes aujourd’hui 7 milliards de terriens, demain bientôt 8, où voit-on que les passions et les intérêts d’où sortent les conflits armés taisent leurs exigences, que quelqu’un renonce de bon gré à ce qu’il a et à ce qu’il désire, que les hommes, enfin, cessent d’être des hommes ?
Depuis 1945, avec la naissance de la « bombe », l’arme de destruction massive avait réussi à dénaturer le concept classique de guerre, le génocide ne pouvant être le moyen raisonné d’une politique raisonnable, les acteurs définissaient leur stratégie militaire en fonction de l’existence même de la « bombe ». Ayant commencé son règne comme arme absolue de la guerre (Hiroshima, Nagasaki), la bombe s’était muée en arme de paix (guerre froide) lorsque son unique détenteur a perdu le monopole au profit d’un autre antagoniste. Pendant un demi-siècle, paradoxalement, la violence paroxysmique de la bombe a trouvé, dans le maintien du statu quo entre puissances nucléaires, la seule fin politique à sa mesure : elle n’agissait plus que par ses virtualités, abandonnant le champ de guerre aux autres formes réduites de la violence. Mais, en ce début du XXIe siècle, une nouvelle donne stratégique se redistribue avec de nouveaux acteurs. Malgré le TNP, quelques nouveaux États se sont dotés de l’arme nucléaire et d’autres se profilent à l’horizon, portés par la vague de la prolifération. Peut-on pour autant, à partir du constat des situations vécues, tirer une loi universelle de la capacité de la « bombe » à produire de la rationalité politique pour tous ceux qui la détiennent ou qui la détiendront, au point de garantir encore, à elle seule, la limitation de la montée aux extrêmes ? Il serait bien imprudent de le croire.
Il reste 93 % de l'article à lire
Plan de l'article